Réforme marché électricité : une victoire française en demi-teinte
Mardi 17 octobre, les 27 ont enfin trouvé un compromis sur une réforme du marché européen de l’électricité. Des incertitudes demeurent en ce qui concerne le soutien au nucléaire français et, dans la foulée, rien de sûr ne se profile encore pour l’après ARENH.
Développer les contrats de long terme pour stabiliser le marché
La réforme vise à stabiliser les marchés, lutter contre la volatilité liée aux évolutions du cours du gaz et booster le développement d’infrastructures de production d’énergie décarbonée, nucléaire compris. Cela doit passer par le développement des marchés de l’électricité à long terme.
Faciliter la mise en place de PPA
La réforme vient ainsi favoriser le recours aux contrats de long terme entre des producteurs d’énergie et des industriels dans le cadre de PPA. Les États membres auront ainsi la possibilité de créer des systèmes de garantie, d’approuver des garanties privées, ou de simplifier les mécanismes favorisant la mutualisation de la demande en vue de conclure des accords d’achat d’énergie.
Le texte arrêté par les 27 introduit également le recours aux contrats pour différence (CFD), contrats de long terme entre des producteurs et des Etats.
Les contrats pour différence au cœur de la réforme
Pour offrir davantage de prévisibilité aux investisseurs, les 27 rendent obligatoire les contrats pour différence bi-directionnels pour tout soutien public à des investissements dans de nouvelles installations de production d’électricité décarbonée.
Tous les types de production d’électricité décarbonée sont concernées : installations éoliennes, solaires, géothermiques, hydroélectriques (hors station de transfert d’énergie par pompage) et nucléaire.
Les contrats en question établissent des prix planchers et plafonds pour l’électricité. Lorsque le prix du marché dépasse le plafond, le producteur reverse le trop-perçu à l’État qui peut alors le redistribuer aux consommateurs, qu’ils soient particuliers ou industriels.
En cas de chute du prix du marché en dessous du plancher, l’excédent est octroyé au producteur, garantissant ainsi ses revenus.
Le plafond et le plancher varient en fonction des technologies considérées et sont basés sur un prix de référence équivalant aux coûts de production avec une marge bénéficiaire pour le producteur ( « strike price » ). »
CFD et parc nucléaire existant : rien n’est gagné
Appliquer les CFD aux actifs nucléaires existants a été le point d’achoppement entre Berlin et Paris de long mois durant et l’objet de rudes tractations entre les 27. Ce mardi 17 octobre, un accord semble enfin avoir été trouvé.
L’utilisation des CFD sera bien possible pour soutenir les centrales nucléaires existantes, cependant leurs recours aura un caractère facultatif et devra être soumis aux règles de l’Union européenne en matière d’aides d’Etat.
« La Commission européenne s’assurera que ces CFD soient conçus de manière adéquate, évitant ainsi toute distorsion de la concurrence sur le marché intérieur de l’énergie de l’UE » a ainsi expliqué Kadri Simson, la commissaire européenne à l’énergie.
Autrement dit, recourir aux CFD sur les centrales existantes sera loin d’être la norme et nécessitera de longues négociations avec la Direction générale de la concurrence à Bruxelles.
« Les Français peuvent continuer à financer leurs centrales nucléaires par ces CFD, mais ils ne peuvent pas baisser leur prix de l’électricité payé par les industriels au point d’être mieux-disant que le prix de l’électricité industrielle allemande. Il y a donc une sorte de prix minimum pour le prix de l’électricité » a d’ailleurs souligné l’eurodéputé allemand Michael Bloss au sortir de la réunion des 27.
Des CFD pour remplacer l’ARENH ?
Plusieurs experts estiment que les CFD pourraient venir remplacer l’ARENH. Mais de nombreuses inconnues demeurent.
En ce qui concerne le nucléaire existant, le prix de référence pourrait correspondre au prix de production du nucléaire estimé par la CRE à environ 60 €/MWh. Mais encore faut-il que ce prix fasse l’unanimité parmi les 27…
De plus, on ignore le volume de la production d’EDF qui pourra être couvert par les CFD.
Par ailleurs, EDF s’oppose clairement à ce type de contrat, craignant qu’en contrepartie Bruxelles n’exige une séparation des activités du groupe.
Enfin, le temps presse, l’ARENH s’éteint au 31 décembre 2025.
Or, le texte doit encore être soumis à l’approbation de la Commission européenne et du Parlement, qui refuse les CFD sur les centrales nucléaires existantes. Cela pourrait encore prendre plusieurs de négociation.
Pour Julien Teddé, Directeur général d’Opéra Energie, la France devrait peut-être réfléchir à instaurer un prix plafond. « L’avantage d’un prix plafond proche du coût de production est qu’il ne nécessite pas d’obtenir l’accord de la Commission européenne puisqu’EDF ne reçoit pas d’aide publique en cas de chute des prix sur le marché de gros » a-t-il ainsi déclaré au média spécialisé Montel.