La Suède lance un projet de stockage de CO2, le Japon triple ses achats de GNL américain, quand la Banque mondiale (re)met le nucléaire au centre de sa stratégie énergétique. Tour du monde de l’actualité de l’énergie.

La Suède lance un projet de stockage de CO2, le Japon triple ses achats de GNL américain, quand la Banque mondiale (re)met le nucléaire au centre de sa stratégie énergétique. Tour du monde de l’actualité de l’énergie.

Stockholm lance un projet géant de captage et stockage de CO₂ pour 2028

Les travaux ont débuté à Stockholm sur une centrale électro-thermique intégrant une technologie de captage et de stockage de dioxyde de carbone, un projet dirigé par Stockholm Exergi. Dès 2028, cette installation devrait permettre de capter 800 000 tonnes de CO₂ par an, un volume supérieur à l’ensemble des émissions annuelles générées par le trafic routier de la capitale suédoise. « Ce sera le plus grand projet de ce type en Europe et l’un des plus importants au monde », a affirmé Wopke Hoekstra, commissaire européen au Climat et à la neutralité carbone.

Cette technologie repose sur la combustion de biocarburants, la séparation du CO₂ émis, sa liquéfaction puis son stockage permanent. Le site produit déjà de l’énergie à partir de résidus forestiers (copeaux de bois notamment), et le CO₂ issu de cette combustion sera désormais capté puis expédié en Norvège. Là, il sera injecté à 2 600 mètres de profondeur dans un aquifère salin situé à 110 km au large de Bergen, dans le cadre du projet Northern Lights. Le financement, estimé à 13 milliards de couronnes (1,2 milliard d’euros), provient de fonds publics européens et suédois, ainsi que d’investissements privés à travers l’achat de crédits carbone par des entreprises comme Microsoft ou le collectif Frontier (Stripe, Alphabet…). « Les pays nordiques ont l’avantage d’avoir une géographie adaptée pour transporter relativement facilement et stocker le CO₂ », a déclaré Wopke Hoekstra à l’AFP. Malgré son coût élevé, cette technologie bénéficie du soutien du GIEC, notamment pour des secteurs difficiles à décarboner comme le ciment ou l’acier.

Aujourd’hui, la capacité mondiale de captage du CO₂ s’élève à environ 50 millions de tonnes par an, soit seulement 0,1 % des émissions globales, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Jera triple ses achats de GNL américain dans un contexte de tensions commerciales

L’énergéticien japonais Jera a annoncé l’achat de jusqu’à 5,5 millions de tonnes supplémentaires de gaz naturel liquéfié (GNL) par an en provenance des États-Unis, dans le cadre de contrats de 20 ans, ce qui entraînera un triplement de ses importations américaines. Ce renforcement de l’approvisionnement, réparti sur quatre sites gaziers au Texas et en Louisiane, représente environ 8,3 % des importations totales de GNL du Japon en 2024.

D’ici quelques années, les achats américains de Jera atteindront jusqu’à 9,5 millions de tonnes annuelles, contre 3,5 à 4 actuellement. Ce mouvement s’inscrit dans une logique de diversification : « Ces accords consolident la stratégie de constituer un portefeuille d’approvisionnement diversifié et résilient », a déclaré l’entreprise.

Les États-Unis étaient en 2023 le quatrième fournisseur du Japon (8,4 %), loin derrière l’Australie (41,6 %). Mais ce rééquilibrage énergétique s’inscrit également dans un contexte géopolitique tendu : Tokyo mène des négociations avec Washington, notamment sur les taxes douanières héritées de l’administration Trump.

L’accord a été chaleureusement accueilli par les autorités américaines. « Ces investissements marquent un tournant significatif et une démonstration flagrante du leadership du président Trump », a affirmé Chris Wright, secrétaire américain à l’Énergie. Il a également souligné que « c’est un nouvel exemple frappant de la croissance des exportations de GNL américain », mettant en avant leur rôle dans la sécurité énergétique de leurs alliés. Jera précise que, selon S&P Global, les retombées économiques de ces contrats pourraient atteindre 200 milliards de dollars de PIB pour les États-Unis, avec 50 000 emplois soutenus chaque année.

Enfin, au-delà de la seule question des droits de douane, les négociations entre les deux pays portent également sur les investissements et la sécurité économique. Le Japon, accusé d’un excédent commercial trop important avec les États-Unis (68,5 milliards de dollars), fait l’objet de menaces de surtaxes douanières additionnelles. « Donald Trump pousse les autres pays à gonfler leurs achats de gaz américain afin de rééquilibrer des échanges qu’il juge déséquilibrés ».

La Banque mondiale compte sur le nucléaire

La Banque mondiale (BM) s’apprête à financer des projets nucléaires pour la première fois depuis plusieurs décennies. C’est ce qu’a annoncé son président Ajay Banga dans un message adressé au personnel, marquant une inflexion stratégique importante pour l’institution.

Ajay Banga a précisé que cette réorientation comprendra le soutien au prolongement de la durée de vie des réacteurs existants dans les pays déjà dotés d’infrastructures nucléaires, l’amélioration des réseaux et infrastructures, ainsi que le développement de petits réacteurs modulaires (PRM). Selon ses mots : « Nous allons également travailler à l’accélération du potentiel des petits réacteurs modulaires (PRM) qui offriront une option viable à plus de pays à long terme ».

Pour encadrer cette démarche, la BM s’associera à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) afin de renforcer ses capacités de conseil, notamment en matière de sécurité, de non-prolifération et de régulation. Ajay Banga a déclaré : « La Banque va s’engager dans un partenariat avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) afin de renforcer notre capacité à conseiller sur les garanties de non-prolifération, la sécurité et le cadre de régulation ». Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, s’était d’ailleurs exprimé fin avril sur le sujet, saluant « un dialogue constructif avec la Banque mondiale » tout en rappelant que « le financement est essentiel » et que l’AIEA était « prête à soutenir » la BM dans l’évolution de son approche.

La Banque mondiale s’est fixée pour objectif de raccorder 300 millions de personnes au réseau électrique dans les dix prochaines années. Comme l’a souligné Ajay Banga, « la demande en électricité va plus que doubler dans les pays en développement d’ici à 2035 », ce qui impliquera de faire passer les investissements dans les réseaux électriques de 280 milliards de dollars par an à 630 milliards par an d’ici une décennie.

Mis de côté après la catastrophe de Fukushima en 2011, le nucléaire bénéficie aujourd’hui d’un regain d’intérêt à l’échelle mondiale, porté par les besoins énergétiques croissants du secteur numérique et de l’intelligence artificielle. Aux États-Unis, plusieurs grands acteurs technologiques envisagent d’exploiter des PRM pour alimenter leurs centres de données. En parallèle, des pays comme la France, le Royaume-Uni ou l’Indonésie ont récemment annoncé la construction de nouveaux réacteurs, considérant l’énergie nucléaire comme une solution décarbonée pour répondre à la hausse de la demande électrique.

Source : AFP

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.