La filière photovoltaïque française vacille. Derrière les faillites en chaîne et les projets suspendus, c’est tout un pan de la transition énergétique qui s’essouffle.
Les grands projets industriels censés relocaliser la fabrication de panneaux en France piétinent.

Entre baisse des aides publiques, instabilité réglementaire et perte de confiance des investisseurs, la filière photovoltaïque française vacille. Derrière les faillites en chaîne et les projets suspendus, c’est tout un pan de la transition énergétique qui s’essouffle.

L’hémorragie des PME solaires

Le rêve solaire français tourne au cauchemar pour de nombreuses entreprises du secteur. Les défaillances en série témoignent d’un climat d’incertitude alimenté par les retards d’application de la loi Aper, censée faciliter l’autoconsommation collective. Les clients, refroidis par la baisse des prix de l’électricité après la crise énergétique de 2022, se détournent des projets solaires, tandis que les investisseurs fuient un modèle devenu instable. France Solar, CréaWatt, Be Green : autant de PME rattrapées par la réforme du S21, qui a supprimé les tarifs garantis sur les surplus d’électricité. « Avec la réforme du S21, la moitié de mes actifs partent à la benne », confie un patron du secteur.

En début d’année, l’État a divisé par trois les tarifs pour les particuliers et réduit ceux des grandes toitures, remplaçant les aides automatiques par un système d’appels d’offres. Objectif : freiner l’« emballement » d’un photovoltaïque qui, malgré tout, affiche encore 4,3 GW raccordés à fin septembre 2025, presque autant que les 4,7 GW de toute l’année 2024. Mais derrière ce dynamisme apparent, la visibilité s’effondre. « Pour 2026, on n’a aucune visibilité », alerte Dimitri Bellanger, fondateur de Be Green.

Le retard de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), censée fixer la trajectoire des énergies décarbonées, cristallise les inquiétudes. Suspendue depuis l’été, elle est devenue un champ de bataille politique entre pro-renouvelables et partisans du nucléaire. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a lui-même mis fin aux « rentes » du solaire, tandis que le projet de budget 2026 prévoit un doublement de la taxe IFER sur les centrales photovoltaïques. « On vit dans une immédiateté et une politisation complètes de l’énergie », déplore Daniel Bour, président d’Enerplan.

« Il n’y a plus de modèle économique pour le photovoltaïque seul »

Un secteur en perte de cap : instabilité politique, désengagement des investisseurs et incertitudes industrielles

La hausse de la fiscalité et l’instabilité réglementaire achèvent d’éroder la confiance. « Le message, c’est : n’investissez plus en France », avertit un exploitant solaire. Neoen, principal acteur indépendant, juge la hausse de l’IFER « particulièrement injuste », craignant qu’elle mette en péril le remboursement des dettes de certains projets. EDF, de son côté, met le solaire en pause, préférant concentrer ses moyens sur le nucléaire et l’hydroélectricité. « La disparition des tarifs pour les petits projets, la menace d’un moratoire et l’absence de perspectives faute de PPE3 ont profondément ébranlé la confiance des investisseurs », résume Xavier Daval, président de la commission solaire du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Les acteurs étrangers, tels qu’Iberdrola, se retirent du marché français. Même les contrats de long terme censés stabiliser les revenus – les PPA – se raréfient, car les excédents de production font chuter les prix sur les marchés de gros. « Il n’y a plus de modèle économique pour le photovoltaïque seul », tranche Sébastien Zimmer, associé chez Sia Partners.

Dans ce contexte, les grands projets industriels censés relocaliser la fabrication de panneaux en France piétinent. Les giga-usines HoloSolis et Carbon, promises pour 2027-2028, peinent à lever les 15 à 20 millions d’euros nécessaires à leur lancement. « Tout s’est arrêté avec la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024 », confie Bertrand Lecacheux, PDG d’HoloSolis. Pour Nicolas Chandellier, directeur général de Carbon, « il faut un engagement ferme sur le made in Europe pour rassurer les investisseurs ».

À l’heure où la Chine continue de dominer le marché mondial du photovoltaïque, la France semble paralysée par ses propres contradictions. Sans cap clair ni visibilité, la filière solaire, jadis symbole de la transition énergétique, se retrouve en panne de confiance et de capitaux. « Il devient urgent de redonner un cap au marché, faute de quoi c’est tout un tissu industriel et territorial qui risque de s’effondrer », alerte Xavier Daval.

Source : Les Echos

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.