Souveraineté énergétique : une loi sans « programmation énergétique », le Sénat vent debout
Décidément, l’avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique n’en finit pas de faire réagir. Après les acteurs ENR, c’est au tour du Sénat de dénoncer une situation « inacceptable ».
Une nouvelle version expurgée de tout objectif chiffré en matière d’énergie, nucléaire compris
Le nucléaire et les ENR sont désormais logés à la même enseigne, plus aucun objectif chiffré n’apparait dans la version modifiée du projet présentée aux instances consultatives mercredi 17 janvier.
Déjà, dans sa version précédente, dans le titre 1er consacré à la programmation énergétique, l’absence d’objectifs chiffrés liés au développement des énergies renouvelables, à l’exception de la chaleur et du froid, avait fait bondir les représentants des filières concernées et les associations environnementales.
Le Gouvernement se proposait de fixer les objectifs ENR ultérieurement, via décret, « Ce qui aurait eu pour effet d’en réduire la valeur juridique » explique Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement.
Dans la nouvelle mouture du texte, ce titre 1er controversé a disparu. Et avec lui les objectifs précis fixés pour l’énergie nucléaire, pour la réduction des gaz à effet de serre ou les économies d’énergie.
Le gouvernement veut passer outre le débat démocratique dénonce le Sénat
Ces modifications ont poussé le Sénat à sortir de sa réserve habituelle.
« L’absence de ce volet dans le texte actuellement en consultation remet en question la capacité du Parlement à débattre de questions stratégiques pour notre souveraineté et notre transition énergétiques. Cette situation est inacceptable, tout comme la proposition de scinder et de reporter ce volet dans un autre véhicule. » pointe ainsi Dominique Estrosi Sassone, Présidente de la commission des affaires économiques, dans un communiqué de presse.
« Débattre de souveraineté énergétique au Parlement, sans pouvoir parler d’objectifs chiffrés, c’est complètement insensé » critique encore le sénateur LR Daniel Gremillet. D’autant que ce débat a été « rendu obligatoire par la loi Energie-Climat de 2019, à la demande du Sénat » rappelle-t-il.
Face à l’AFP, le ministère de l’Économie se justifie en indiquant que l’examen de la question de la programmation énergétique est simplement différé, dans l’attente de « nouveaux consensus ».
« Ils se moquent de nous », fustige Dominique Estrosi Sassone : « Nous savons que ce sujet nourrit énormément de débats, mais qu’on ne me fasse pas croire que le processus de consultation sur le sujet n’a pas abouti. Depuis le début de la crise énergétique, cela fait un moment que tous les acteurs concernés échangent, se concertent et travaillent sur le sujet ».
La Présidente de la commission économique du Sénat va plus loin, dénonçant des calculs politiques et une « peur du débat » : « Sans majorité au Parlement, le gouvernement pense que la meilleure manière de s’en sortir pour faire passer des textes avec autant d’enjeux, c’est de les saucissonner. »
Le Sénat ne compte pas en rester là. La commission d’enquête sur « la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050« vient en effet de s’ouvrir.
« Cette commission compte brosser un panorama exhaustif du sujet de l’électricité en France, notamment de la question de sa production. Le Sénat va donc montrer ses capacités à débattre du sujet », annonce le sénateur écologiste Daniel Salmon.