Des taux d’intérêt verts et bruns pour booster la transition énergétique
Un taux d’intérêt pour les projets incluant des énergies fossiles, un autre pour les projets verts ; voilà l’idée qu’Emmanuel Macron a esquissée pour accélérer la transition énergétique. Mais l’initiative devra être approuvée par l’Europe.
Un projet qui ravit les ONG
« Le coût de l’investissement doit être à l’avenir plus élevé pour un acteur qui s’engage dans le secteur fossile. Nous avons besoin d’un taux d’intérêt vert et d’un taux d’intérêt brun ». C’est par ces mots, prononcés dans une tribune du journal Le Monde en décembre dernier, que le président Macron a lancé l’idée du taux d’intérêt vert dont l’objectif est d’appliquer des taux plus faibles aux investisseurs souhaitant financer des projets d’énergies bas carbone et ainsi, accélérer la transition énergétique.
L’initiative ravit les ONG environnementales et certains économistes favorables à une politique monétaire pro-écologie. « Pour une fois, un très haut responsable politique ne prend plus comme base le risque financier, mais explique directement qu’il faut un taux vert et un taux brun pour leurs implications directes sur le climat », s’enthousiasme Nicolas Dufrêne, économiste. « Aujourd’hui, une part significative du coût des renouvelables provient du capital, c’est-à-dire des fonds nécessaires pour développer les projets, ce qui retarde leur déploiement », explique Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance, qui cherche à mettre la finance au service de la lutte climatique.
Un obstacle : la neutralité monétaire
A Dubaï, à la COP28, Emmanuel Macron regrettait : « On manque d’un cadre international suffisamment robuste qui puisse dire qu’il est légitime de favoriser les énergies propres par rapport aux énergies fossiles ». Seule la Banque centrale européenne peut influer sur les taux du marché en fixant les taux directeurs en amont et les taux auxquels prêtent les banques, en aval. Or, la BCE s’est elle-même interdit d’aller aussi loin dans ses prérogatives, au nom de la « neutralité monétaire », afin de ne favoriser aucun acteur et aucun secteur. « La neutralité monétaire favorise le statu quo, et donc le financement des entreprises qui dominent actuellement le marché, dont des entreprises fossiles », prévient Nicolas Dufrêne. Sans compter que les pays du nord de l’Europe, étant attachés à ce principe de neutralité, apposeraient assurément leur véto aux projets de taux d’intérêt verts.
Ne pas faire cavalier seul
Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management : « On pourrait imaginer un mécanisme identique où, cette-fois ci, le critère ne serait plus le financement de prêts, mais un critère écologique ». La banque qui prête le plus à des « emprunteurs verts » pourrait ainsi se financer à moindre coût auprès de la BCE qu’une banque qui prête beaucoup à des « emprunteurs bruns ».
Mais à l’heure actuelle, l’Élysée met en garde contre une mise en place, de manière isolée, en Europe de ce type de mesure. « Il faut que l’on fasse attention à ce que notre politique climatique ne soit pas contradictoire avec notre politique économique », tempère-t-on dans l’entourage du président, qui préfère pour l’instant convaincre les banques de développement afin de décourager les investissements dans le charbon de la part des pays émergents.
Source : AFP