L'accord commercial annoncé le 27 juillet entre l'UE et les Etats-Unis soulève des questions sur sa faisabilité, sa légitimité et sa cohérence.
La Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen, a-t-elle le pouvoir d'imposer leurs sources d'approvisionnement aux pays membres ?

L’accord commercial annoncé dimanche entre l’UE et les Etats-Unis prévoyant l’achat de 750 milliards d’euros d’énergies fossiles américaines est censé rompre avec la dépendance à la Russie. Pourtant il soulève de nombreuses interrogations : est-il réalisable ? Est-il légitimité institutionnellement ? Est-il cohérent au vu des objectifs européens de décarbonation ?

Des volumes trop importants ?

L’accord annoncé le dimanche 27 juillet entre Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et le président américain Donald Trump, prévoit que l’UE achète, sur trois ans, près de 750 milliards de dollars (environ 692 milliards d’euros) d’hydrocarbures en provenance des États-Unis. « Nous remplacerons le gaz et le pétrole russes par des achats importants de GNL [gaz naturel liquéfié], de pétrole et de combustibles nucléaires américains », a déclaré Ursula von der Leyen.

Cette orientation s’inscrit dans la continuité du tournant engagé depuis le début de la guerre en Ukraine : à horizon 2027, l’Union européenne ambitionne de stopper les importations énergétiques russes. En 2024, selon Eurostat, les États-Unis ont déjà fourni 17,1 % des importations européennes de pétrole, contre seulement 8 % en 2021, supplantant ainsi la Russie. En matière de gaz, les exportations américaines de GNL représentent désormais 14 % des importations européennes, contre 4 % en 2021.

Pourtant, des doutes persistent quant à la faisabilité d’un tel volume. « Les importations de produits énergétiques auprès des États-Unis ont représenté en 2024 entre 75 et 80 milliards d’euros », note Lamis Aljounaidi, économiste de l’énergie à Paris Infrastructure Advisory. L’accord impliquerait donc de tripler ces volumes chaque année. « Une telle concentration de l’origine de l’approvisionnement en énergie est en contradiction avec la pratique, au moins française, de diversification des sources d’approvisionnement », souligne-t-elle.

Quel réel pouvoir a la Commission sur ce dossier ?

L’accord pose également une question juridique de taille : la Commission européenne est-elle compétente pour conclure de tels engagements ? « La Commission européenne n’est pas mandatée pour acheter des produits énergétiques », rappelle Jean-Luc Demarty, ancien Directeur général du commerce extérieur de la Commission. La politique énergétique étant une compétence partagée, chaque État membre reste libre de choisir ses sources d’approvisionnement. La Commission peut garantir la sécurité énergétique de l’Union, mais ne peut engager à elle seule de tels volumes d’achats.

À cela s’ajoutent des incertitudes structurelles. « Ces chiffres sont nécessairement indicatifs puisque cela suppose que les États-Unis puissent fournir en conséquence, ce qui n’est pas certain à la fois en termes de production mais aussi en termes de capacités d’exportation. Et ce, surtout pour le gaz », alerte Jean-Luc Demarty. Un professionnel du secteur ajoute : « Les exportateurs américains ne vont pas fournir plus si la demande européenne ne suit pas ».

Enfin, le choix même des sources d’approvisionnement interroge sur le plan écologique. Le gaz et le pétrole américains sont majoritairement extraits par fracturation hydraulique, une technique très polluante et émettrice de CO₂. « L’UE tourne le dos à ses ambitions environnementales et de réduction des émissions de carbone », critique Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG.

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.