Trois ans après le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne franchit un cap historique. Les Vingt-Sept ont adopté, lundi au Luxembourg, un accord fixant la fin progressive des importations de gaz russe à l’horizon 2027.
Un retrait planifié : de 45 % à moins de 15 % de gaz russe en cinq ans
L’Union européenne a validé ce lundi un plan ambitieux de suppression graduelle des importations de gaz naturel russe. Cette décision, à la fois économique et géopolitique, scelle la volonté du continent de rompre avec sa dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou. Comme l’a rappelé le commissaire européen à l’Énergie, Dan Jorgensen, « nous sommes face à un pays qui a transformé l’énergie en arme contre nous. Nous ne devrions plus jamais être dans cette position ».
Avant l’invasion de l’Ukraine en 2022, près de 45 % du gaz européen provenait de la Russie, contre à peine 10 à 13 % aujourd’hui. L’accord acte désormais une interdiction totale : dès le 17 juin 2026 pour les contrats à court terme, et au 1er janvier 2028 pour les contrats à long terme.
Certaines nations, très dépendantes des flux russes, bénéficieront toutefois d’un délai supplémentaire. La Hongrie et la Slovaquie auront jusqu’à fin 2027 pour s’adapter. Cette flexibilité, expliquent les institutions européennes, vise à « éviter un impact économique significatif ou des risques pour la sécurité d’approvisionnement ».
L’approche progressive a également pour objectif de donner aux entreprises le temps de « trouver des sources et des routes d’approvisionnement alternatives », selon le texte adopté. Dan Jorgensen a tenu à rassurer : « Nous travaillerons dur avec les pays confrontés à des défis pour éviter toute flambée des prix ». Malgré l’opposition de Budapest et Bratislava, les Vingt-Sept ont validé une orientation claire vers la sortie du gaz russe.
« Nous arrêterons de financer la machine de guerre de la Russie par la facture énergétique »
Un bouclier contre les contournements et un signal géopolitique fort
Pour éviter que la Russie ne contourne cette interdiction, notamment par la technique du « mélange turc » que nous avions traité dans nos colonnes en mai dernier, le texte introduit un mécanisme de contrôle anticontournement. Les importateurs devront obtenir une autorisation préalable et fournir la preuve de l’origine du gaz. Seules les importations jugées « les plus pertinentes » seront soumises à ces vérifications, la Commission européenne étant chargée de dresser une liste de pays exemptés.
Cette disposition a suscité des réserves de la part de la France, de l’Italie et de l’Espagne, inquiètes d’une complexité administrative accrue. Mais, selon Roland Lescure, ministre français de l’Économie, la présidence danoise de l’UE a su « apporter les ajustements nécessaires ». Les négociations peuvent désormais se poursuivre dans le cadre des trilogues entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen, ce dernier souhaitant accélérer encore le calendrier.
Au-delà des aspects techniques, cette interdiction progressive traduit une rupture géopolitique majeure. Les importations de gaz russe représentent encore 15 milliards d’euros par an versés par l’Europe à Moscou. Pour Lars Aagaard, ministre danois de l’Énergie, « les décisions que nous prenons aujourd’hui façonneront l’avenir de notre continent. Nous arrêterons de financer la machine de guerre de la Russie par la facture énergétique ». L’UE discute par ailleurs d’une interdiction du gaz naturel liquéfié russe d’ici 2027, nécessitant encore l’unanimité. Mais la trajectoire est désormais tracée : l’Europe avance, pas à pas, vers une indépendance énergétique totale, symbole d’une souveraineté retrouvée face au Kremlin.
Source : Les Echos
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.