Une « Boussole pour la compétitivité » européenne
Face au ralentissement économique et à la perte de compétitivité de l’Europe, la Commission européenne a présenté, ce mercredi 29 janvier, une feuille de route ambitieuse baptisée « Boussole pour la compétitivité ».
Portée par Ursula von der Leyen, cette stratégie vise à repositionner l’Europe sur la scène mondiale en structurant les actions de l’Union pour les cinq prochaines années.
Trois grands axes guident cette initiative : innovation, décarbonation et sécurité. L’objectif est de traduire ces priorités en actions concrètes pour renforcer la compétitivité du continent.
« L’Europe a tout ce dont elle a besoin pour gagner. En même temps, nous devons corriger nos faiblesses pour regagner en compétitivité » a déclaré la cheffe de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen.
Le vice-président exécutif Stéphane Séjourné a lui aussi insisté sur la nécessité de placer la compétitivité au cœur de chaque initiative et de chaque euro dépensé.
Un « choc de simplification » pour les entreprises
Bruxelles veut alléger les contraintes administratives pesant sur les entreprises pour freiner l’exode des talents et des investissements hors d’Europe. Actuellement, 300 milliards d’euros d’épargne européenne sont investis à l’étranger, privant les startups et entreprises innovantes de financements cruciaux.
Pour y remédier, Bruxelles prévoit de mettre en place une directive Omnibus qui simplifiera les obligations en matière de durabilité et de responsabilité des entreprises, notamment sur le reporting extra-financier et la taxonomie verte. Une nouvelle catégorie d’entreprises (250 à 1 500 salariés) bénéficiera également de mesures de simplification jusqu’ici réservées aux PME.
Autre avancée : un statut juridique unique pour les entreprises opérant dans plusieurs États membres, via un « 28e régime » harmonisé. Inspirée du rapport Mario Draghi (2024), cette réforme vise à faciliter l’expansion des sociétés innovantes en Europe.
Faire de l’Europe un leader de l’innovation technologique
L’Europe accuse un retard dans les secteurs technologiques de pointe, notamment en raison d’un manque de financement et d’un marché des capitaux fragmenté. Malgré une épargne privée de 1 400 milliards d’euros, les entreprises peinent à rivaliser avec leurs concurrentes américaines et asiatiques, déplore Ursula von der Leyen.
La Commission souhaite donc relancer le projet de l’Union européenne de l’épargne et de l’investissement pour mieux mobiliser les capitaux privés. Elle prévoit également des investissements massifs dans des technologies stratégiques : IA, biotechnologies, robotique, matériaux avancés ainsi que dans les technologies quantiques et spatiales.
Enfin, un outil de coordination des politiques de compétitivité sera mis en place pour aligner les efforts des États membres dans ces différents secteurs.
Maîtriser les coûts énergétiques tout en garantissant la sécurité
L’un des principaux obstacles à la compétitivité de l’Europe réside également dans le coût de l’énergie, nettement plus élevé que chez ses principaux concurrents, notamment la Chine et les États-Unis. Ces tarifs représentant un poids considérable pour les entreprises, Bruxelles annonce préparer un plan pour l’énergie abordable, dont les détails seront publiés prochainement.
L’UE veut aussi accélérer la décarbonation de son industrie tout en soutenant les secteurs clés comme la chimie, l’acier et l’automobile. Un pacte pour une industrie propre sera ainsi présenté le 26 février, combinant compétitivité et innovation pour promouvoir des technologies bas-carbone et renforcer l’indépendance énergétique du continent.
Afin de réduire ses dépendances stratégiques, l’Europe mise par exemple sur de nouveaux partenariats pour l’approvisionnement en matières premières et mettra en place une plateforme commune d’achat pour sécuriser l’approvisionnement en ressources essentielles. Enfin, une réforme des marchés publics introduira une préférence européenne pour les secteurs critiques, renforçant ainsi l’indépendance énergétique du continent.
Une ambition forte… mais sera-t-elle suffisante ?
Avec la « Boussole pour la compétitivité » , Bruxelles envoie un signal fort aux investisseurs, mais plusieurs obstacles subsistent. Le financement reste incertain : selon Mario Draghi, 750 à 800 milliards d’euros d’investissements annuels seraient nécessaires, un niveau encore hors de portée pour l’UE.
Des tensions entre États membres compliquent aussi la mise en œuvre. Certains réclament un assouplissement des règles environnementales pour privilégier la compétitivité, tandis que la France et l’Allemagne demandent des mesures rapides pour alléger les charges des entreprises.
La Commission fixe un cap stratégique. Reste à voir si les Vingt-Sept suivront cette trajectoire pour éviter à l’Europe de perdre du terrain face à ses concurrents.