Energie : L’Union Française de l’électricité (UFE) livre ses recommandations
A l’occasion de son colloque annuel, l’Union Française de l’électricité (UFE) a présenté ses recommandations quant aux grandes décisions « qui devront être prises pour le secteur dès 2022 par le futur exécutif. ». Compilées au travers d’un livre blanc, ces recommandations ont pour ambition « de préparer l’avenir dans une approche rationnelle, sans dogmatisme ».
Une prise de parole à destination des candidats aux futures présidentielles
L’UFE rassemble entreprises et syndicats professionnels du système électrique français, de la production au transport et à la distribution, en passant par les fournisseurs d’électricité et de services d’efficacité énergétique. En tant qu’acteur du débat national et européen sur la politique énergétique, elle prend la parole, alors que se rapprochent les prochaines élections présidentielles françaises
Si elle reconnait l’arrivée d’échéances « décisives », elle demande aussi à ce que la France ne ferme pas « prématurément » d’option « dans un contexte général d’incertitudes liées à la maturité des technologies, à l’évolution de leurs coûts et à leur acceptabilité sociale. ». Plusieurs axes de réflexion émergent du document.
Comment assurer l’accessibilité financière de l’électricité ?
Pour ce faire, l’UFE plaide pour substituer à l’ARENH un nouveau dispositif de régulation approprié, et ce avant 2025, date d’extinction du dispositif.
« Les enjeux qui avaient présidé à sa mise en œuvre perdurent au-delà de cette échéance » : on doit continuer à fournir une réponse « durable » capable de garantir la poursuite de l’exploitation du parc nucléaire au bénéfice de toute l’économie.
L’UFE rappelle aussi que l’ARENH a démontré toute son importance dans la crise actuelle que rencontrent les prix de l’énergie, « en permettant de décorréler largement le prix de l’électricité payé par les consommateurs du prix des combustibles fossiles. »
Il sera aussi nécessaire d’ajuster ressources et objectifs « pour réussir une transition juste ». Typiquement, l’UFE propose de développer la mise en place, à destination des ménages en situation de précarité énergétique, des mécanismes redistributifs, comme le chèque énergie.
Ces mécanismes sont à coupler avec des incitations à décarboner les équipements (équipements de chauffage non fossiles, passage au véhicule électrique…).
Déployer une politique industrielle et de l’emploi au service de la souveraineté
Pourquoi ne pas impulser une véritable politique industrielle européenne pour les filières participant à la transition ? s’interroge l’UFE. « Cela concerne le nucléaire, déjà identifié comme filière d’excellence française, mais aussi l’hydraulique ». Au-delà de ces deux filières, la France dispose d’atouts dans la mobilité électrique, note le document.
Pour l’ensemble des filières, l’UFE demande à renforcer le critère d’empreinte carbone et à introduire un critère de localisation, notamment dans les appels d’offres. Objectif : favoriser les producteurs de matériels implantés dans les pays européens les plus décarbonés.
Enfin, elle souhaiterait que soient engagées de véritables actions de promotion des métiers et des emplois de la filière électrique.
Booster les actions d’efficacité énergétique et la décarbonation des usages
L’UFE invite à ce que soient renforcés les dispositifs d’incitation à la maîtrise et au pilotage de la consommation. Entre autres propositions, elle estime la révision d’accès aux données de consommation nécessaire. Il s’agit de rendre « leur accès simple pour les consommateurs ».
La politique d’efficacité énergétique qui concerne le bâtiment doit aussi être poursuivie et renforcée. Des dispositifs comme Ma Prime Renov’ pourraient se voir attribuer une trajectoire pluriannuelle pour davantage d’efficience.
En outre, si la mobilité électrique doit bien être considérée comme un levier majeur, la France doit cependant aller plus loin. Ainsi, « un effort important doit encore être consacré au déploiement d’offres de recharge accessibles au public et des solutions de recharge privées pour satisfaire les besoins de recharge au quotidien. »
L’UFE estime également que des efforts sont à faire en termes de préoccupations de confort, d’anticipation de nouveaux modes de vie ainsi que de suivi des rénovations.
Enfin, les collectivités locales auront à jouer un rôle important dans l’acceptation, le ciblage et la mise en œuvre de ces solutions.
Mix électrique décarboné et compétitif : une trajectoire à intensifier
Accélérer le déploiement de l’éolien et du solaire dès 2022 devra s’accélérer. L’allégement et l’accélération des procédures pourra y contribuer ainsi qu’une meilleure communication auprès des riverains.
Sur la base de l’analyse prévue par la PPE, il sera aussi indispensable de décider dès le début du quinquennat des investissements dans de nouveaux actifs nucléaires, de façon à maintenir ouverte l’option nucléaire.
Il faudra encore réévaluer les avantages et inconvénients de la fermeture d’une dizaine de tranches en 2029-35 à l’aube de la trajectoire « Fit-for-55 » et en tirer les conséquences en termes de prolongation de certaines si les conditions sont remplies. « Les centrales nucléaires historiques, qui sont aujourd’hui parmi les formes de production électrique décarbonée les moins coûteuses, continueront d’apporter à la France un avantage économique sous réserve d’en optimiser la durée de vie. »
Adapter les réseaux et optimiser les flexibilités nécessaires
S’agissant du transport et des interconnexions transfrontalières, le gestionnaire de réseau RTE a annoncé un investissement à réaliser d’ici 2035 « de l’ordre de 33 Md€. »
« Au-delà de cette échéance, dans une perspective 2050, de nouvelles interconnexions transfrontalières dans des proportions significatives seraient économiquement pertinentes, notamment pour faire face aux ajustements saisonniers de l’offre et de la demande »
S’agissant de la distribution, les gestionnaires de réseau élaborent actuellement leur plan de développement. Le document souligne que l’investissement est de l’ordre de 70 Md€ d’ici 2035 pour renouveler et moderniser les réseaux, intégrer la production variable (y compris l’autoconsommation), accompagner une demande d’électricité croissante et l’électrification des usages (transports et chaleur-froid).
L’UFE soutient d’autre part la mise en place d’un cadre approprié au développement des flexibilités (STEP, production thermique décarbonée, pilotage de la demande, batteries et stockages) « en utilisant les procédures concurrentielles adéquates. ». Enfin, la France ne devrait pas « fermer d’option technologique avant 2030 en matière de gaz décarbonés », sans être sûre de s’adapter à d’éventuels retards dans la rénovation ou le déploiement d’autres technologies décarbonées.
Faire évoluer le cadre régulatoire et la gouvernance
La publication recommande l’instauration d’un prix plancher ou d’un couloir de prix du carbone et « à défaut d’un dispositif qui le rende aussi prévisible que possible dans l’ETS ». Autrement dit, donner de la prévisibilité doit aujourd’hui être un axe de travail majeur.
En dehors des secteurs couverts par l’ETS, il serait judicieux de mettre en place des réglementations permettant d’atteindre l’objectif de décarbonation visé.
Par ailleurs, il sera également nécessaire faire évoluer l’organisation des marchés. L’UFE suggère de renforcer leur structure « hybride » qui concilie des arrangements de long terme, pour garantir que l’investissement soit réalisé en temps utile, et des marchés de court terme, pour utiliser au mieux les ressources disponibles.
Les contrats commerciaux de long terme entre producteurs et consommateurs sont appelés à poursuivre leur développement : alors, « il conviendra de veiller à l’articulation entre le soutien public et ces contrats privés. »
La publication propose enfin d’affecter les produits de la fiscalité énergétique au financement de la transition et « éviter qu’elle n’induise des distorsions entre les énergies. »