Aides énergie : la Cour des Comptes critique vertement
Le rapport « Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie » de la Cour des Comptes pointe les nombreuses lacunes de la politique du gouvernement face à la crise de l’énergie.
La captation des superprofits n’a pas été redistribuée
La Cour des Comptes se montre des plus critiques sur la Contribution sur la Rente Inframarginale (CRI) mise en place par le gouvernement, la qualifiant de peu profitable et injuste pour les consommateurs. Selon ses analyses, cette taxe ne parvient pas à saisir efficacement les profits exceptionnels des producteurs d’électricité. Pour rappel, en 2022, le gouvernement avait été pointé du doigt pour ne pas agir suffisamment contre les profits excessifs des producteurs d’énergie, liés à la hausse des tarifs énergétiques suite à l’offensive russe en Ukraine.
Mais la Contribution sur la Rente Inframarginale imposée à ces producteurs « ne génère pas de recettes à la hauteur de ce qui serait équitable pour les consommateurs » selon les magistrats financiers.
« Dans un dispositif de régulation efficace, les marges accumulées par les énergéticiens seraient restituées aux consommateurs », estime la Cour. Or, elle constate que le rendement attendu de la CRI et l’augmentation des redevances sur l’hydroélectricité n’atteindraient pas plus de 6 milliards d’euros pour 2022 et 2023.
Ce qui est minime comparé aux bénéfices avant impôt, dépassant les 30 milliards d’euros réalisés par les acteurs du marché de l’électricité, ou encore par rapport aux 36 milliards d’euros que l’État prévoit de dépenser en soutiens divers aux consommateurs, incluant le bouclier tarifaire et les indemnités carburant.
La Cour avertit que la somme totale payée par les consommateurs et les contribuables pour l’électricité sera de 37 milliards d’euros supérieure aux coûts de production nationaux pour la période 2022-2023.
Dans ses recommandations, le rapport suggère au gouvernement de « proposer au Parlement de faire évoluer le champ et les modalités de calcul de la CRI au titre de 2024, afin d’en augmenter le rendement ».
Des aides énergie complexes et peu efficaces
Bercy est aussi invité à « paramétrer le bouclier tarifaire » sur l’électricité « de sorte que les prix payés par les consommateurs reflètent au mieux les coûts actuels de production. »
Plus largement, la Cour regrette la complexité de la mise en œuvre des mesures face à la crise de l’énergie, qu’elle n’hésite pas à qualifier de « foisonnantes ».
Le rapport liste ainsi presque vingt-cinq différentes formes d’aide gouvernementale, comme le bouclier énergétique, les aides pour le fioul et le bois, l’amortisseur électricité. Or, 90% de ces aides allouées aux ménages n’étaient pas spécifiquement orientées, une lacune « assurément critiquable », surtout dans le contexte de la transition énergétique de la France vers moins de dépendance aux combustibles fossiles.
« La Cour recommande au gouvernement de préserver des signaux-prix sur les énergies fossiles », a expliqué vendredi son premier président Pierre Moscovici. « Ca pourrait passer par des aides ciblées sur les consommateurs les plus vulnérables plutôt que par des dispositifs généraux », a-t-il développé.
En dernier lieu, la Cour a observé que les dispositifs d’aide principaux ont été appliqués via les fournisseurs d’énergie ou les distributeurs de carburants, ce qui soulève des interrogations quant à la répartition effective de l’aide publique vers les consommateurs. Elle met en garde contre les dangers potentiels de bénéfices indus et encourage les autorités du domaine, y compris la Commission de régulation de l’énergie (CRE), à intensifier leur surveillance.
La future régulation du nucléaire doit être mûrement réfléchie
Alors que les différentes aides ont été initiées dans l’urgence, la Cour demande au gouvernement de prendre le temps de la réflexion avant d’acter définitivement les modalités du dispositif Post ARENH.
« Ce nouveau cadre de régulation peut bénéficier d’une maturation plus approfondie, à l’occasion de la consultation publique lancée fin 2023 et des discussions qui auront lieu au Parlement sur les aspects législatifs des dispositifs envisagés. » demande la Cour.
« Ce temps d’élaboration doit être mis à profit pour évaluer de façon préalable la capacité du nouveau cadre, dans ses principes et ses modalités de mise en œuvre, à répondre aux objectifs qui lui sont assignés. » insiste-t-elle encore