Chine : championne des énergies vertes et… des énergies fossiles
La Chine est le numéro 1 mondial des investissements dans les énergies renouvelables sur son sol. Le pays occupe la même place concernant les investissements dans les énergies fossiles, hors de son territoire. Explication de ce paradoxe.
Près de 27% des émissions de GES mondiales
La Chine est le plus grand émetteur de carbone et représente 26,8% des émissions globales ; position que le pays tient depuis bientôt 20 ans (2006). En 2017, l’Empire du Milieu réalisait 50% des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables. Alors, à quoi joue la deuxième puissance mondiale ? Est-elle un acteur concerné et sincère de la transition énergétique ? Le paradoxe apparent dans sa stratégie énergétique pourrait laisser penser que la Chine, dans une stratégie cynique, décide d’être verte à la maison et polluer à l’extérieur. Pourtant, dans facteurs concrets peuvent expliquer la situation.
Dans une étude publiée par les chercheurs danois Lars Oehler et Mathias Lund Larsen, intitulée « Clean at home, polluting abroad : the role of the Chinese financial system’s differential treatment¹ », on observe que la part des énergies renouvelables dans les investissements chinois destinés à la production d’électricité est de 77%, au niveau national ; mais seulement de 22% à l’étranger.
Les investissements des entreprises chinoises spécialisées dans les énergies renouvelables se heurtent à des difficultés classiques et connues : coûts initiaux élevés, cycles de revenus différents.
L’étude montre qu’il existe néanmoins une complexité supplémentaire accentuant le désavantage structurel à l’accès au financement de leurs investissements à l’étranger, par rapport aux entreprises orientées vers les énergies « classiques ». Ce désavantage réside dans le rapport public-privé. Les entreprises tournées vers les énergies vertes sont en très grande majorité privées, tandis que leurs homologues dans les énergies conventionnelles sont essentiellement publiques.
Pour rétablir l’équilibre : plus d’Etat
Pour Sébastien Lechevalier, directeur d’études à l’EHESS, la solution pour sortir de cette impasse ne réside pas dans moins mais dans plus d’Etat. Le chercheur déploie son argumentaire en précisant que « deux options se dégagent ». La première consiste à modifier la stratégie des deux grandes banques d’Etat, principales sources de financement des investissements dans les énergies : la Banque chinoise de développement et Eximbank of China, en réorientant les aides en direction des énergies vertes.
Ou, il s’agira d’agir dans le même sens sur les décisions des quatre plus grandes banques commerciales dont l’Etat est le principal actionnaire.
Cette étude du cas chinois montre « qu’il n’y aura pas de transition énergétique sans réforme du secteur financier. Il n’y aura pas de neutralité carbone sans une réorientation du système financier vers cet objectif », selon Sébastien Lechevalier.
1. « Propre à la maison, polluant à l’étranger : le rôle du traitement différentié dans le système de financement chinois »