Copropriétés : de nouvelles règles pour les bornes de recharge électrique
Le 9 avril dernier, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à faciliter et « accélérer l’installation de bornes de recharge de véhicules électriques » dans les immeubles en copropriété. Le point sur les nouvelles mesures économiques (nouvelles règles de financement pour les copropriétés) et décisionnelles (vote à la majorité simple en assemblée générale) qu’il met en place.
Mobilité électrique, le rôle majeur des copropriétés
Levier essentiel de la transition énergétique, la bascule vers la mobilité électrique ne pourra se faire sans un déploiement des infrastructures de recharge dans le résidentiel collectif. Aujourd’hui, plus de 90% des recharges se font en effet à domicile et 44% des foyers français vivent en résidentiel collectif.
Deux freins ont été identifiés par le gouvernement :
- la facturation aux copropriétés des contributions de raccordement au titre des infrastructures collectives nécessaires à l’accueil des véhicules électriques dans les parkings
- la lenteur du process décisionnel
L’amendement adopté par les députés souhaite offrir des solutions.
Lever les freins de la facturation liée à l’installation des bornes de recharge
La facturation des contributions de raccordement au titre des infrastructures est effectivement un frein majeur. Il n’est pas rare que les copropriétaires ne valident pas la proposition en assemblée générale, notamment parce qu’ils ne ressentent pas le besoin d’une telle installation.
Le constat est le même chez les monopropriétaires d’immeubles collectifs, notent les pouvoirs publics. « En tant que bailleurs, ils peuvent être réticents à engager des dépenses pour une infrastructure collective dont l’utilité serait au bénéfice des occupants locataires, sans dispositif simple leur permettant de répercuter tout ou partie de la charge. »
Le gouvernement propose donc la mise en place d’un nouveau mécanisme de financement, via lequel seuls « les utilisateurs des infrastructures prendront en charge le remboursement des bornes ». L’installation de ces bornes sera également cofinancée par Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité.
Mise en place d’une autre offre de financement
La Banque des Territoires développe depuis 2020 une offre de pré-financement des infrastructures collectives de recharge. Les utilisateurs de ces infrastructures prennent en charge le remboursement au fur et à mesure qu’ils demandent l’installation de leur propre point de recharge.
Pour rappel, le fonctionnement actuel est basé sur :
– La prise en charge par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), de 40% de tous les coûts de raccordement, collectifs et individuels (part « réfactée ») ;
– Le paiement de 60% du coût global de l’ouvrage collectif, incluant le cas échéant des coûts d’adaptation du réseau en amont du branchement, par la copropriété dans son ensemble ;
– Le paiement de 60% de la dérivation individuelle par chaque copropriétaire ou bénéficiaire lorsqu’il souhaite bénéficier d’un point de recharge de son véhicule électrique.
L’amendement adopté veut aller plus loin. Via un nouveau mécanisme, les coûts de l’infrastructure collective seront couverts par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution, « dans le cas où le propriétaire ou la copropriété choisirait d’installer une infrastructure collective de recharge relevant du réseau public ».
Le TURPE pour couvrir le coût des travaux
Avec ce nouveau mode de financement, Enedis pré-finance donc l’infrastructure collective, et les travaux sont couverts par le tarif d’utilisation des réseaux (TURPE). Les utilisateurs de cet équipement compenseront cette charge en s’acquittant d’une contribution dont les modalités seront précisées par décret après avis de la Commission de l’énergie. On sait déjà qu’elle sera basée sur « les coûts de l’infrastructure collective concernée, la puissance demandée par l’utilisateur, le nombre d’emplacements de stationnement accessibles à l’infrastructure du réseau public, et sur l’évaluation du taux moyen d’équipement à long terme en points de recharge, ce taux étant déterminé au niveau national afin de permettre l’équilibre financier global du dispositif. »
Autrement dit : la facturation du raccordement au titre des infrastructures collectives pourra dorénavant être reportée sur les seuls copropriétaires ou utilisateurs, dès lors qu’ils demandent leur raccordement à cet ouvrage collectif par un branchement individuel, et ce via une contribution additionnelle. Elle ne sera plus portée par la copropriété au titre de l’ouvrage collectif.
Les utilisateurs continueront également à être redevables d’une contribution au titre des ouvrages de branchements individuels. Une « convention de raccordement […] entre le gestionnaire de réseau et le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires précise le montant de ces contributions. »
Les opérateurs privés dénoncent un état des lieux biaisé
Dans un communiqué commun, les opérateurs de recharge regrettent que le débat parlementaire se soit focalisé sur des « idées reçues ». Ils rappellent ainsi que « les efforts des opérateurs de recharge ont permis sur les dernières années de faciliter et accélérer le taux d’équipement en bornes de recharges des immeubles résidentiels. ».
Les chiffres en témoignent : « 500 000 places de parkings bénéficient d’un service de recharge, soit 11 % des places de parking en copropriété. Plus de 1 000 000 de places seront couvertes par les services des opérateurs de recharge à l’horizon 2022, soit 22 % des places de parking en copropriété, auxquelles s’ajoutent 250 000 places en habitat social. »
Selon eux, il s’agit d’un rythme de déploiement suffisant pour atteindre l’objectif du contrat stratégique de la filière fixé à 1 000 000 de véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation en 2022.
Un amendement au bénéfice d’Enedis ?
Aujourd’hui, la Commission de Régulation de l’Energie répertorie 4 types de solutions techniques pour les copropriétés souhaitant s’équiper de bornes de recharge électrique.
Mais l’amendement, ainsi que le soulignent les opérateurs privés, vient clairement soutenir la solution où Enedis installe un compteur linky par place de parking. Or, à terme, cette multiplication des compteurs ne risque-t-elle pas de majorer le montant des abonnements payés par les usagers ? Et quel sera l’impact sur le réseau électrique en amont ?
La solution développée par les opérateurs propose au contraire de ne réaliser qu’un branchement sur le réseau d’Enedis à partir duquel ils peuvent piloter globalement et optimiser l’ensemble des points de charge du parking.
Des solutions qui ont d’ailleurs fait leurs preuves.
Le « nombre de places de parking pré-équipées est déjà supérieur au nombre de véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation. A ce jour, plus de 20 % des emplacements de parkings intérieurs de plus de 20 places sont couvertes par un service de recharge, un taux qui dépasse la part des véhicules électriques dans le parc roulant (environ 1%). » arguent ainsi les opérateurs.
Et l’offre de bornes de recharge en copropriété poursuit son accélération : avec les copropriétés en attente de prise de décision en assemblées générales, les opérateurs estiment atteindre une couverture de 35% des places de parkings intérieurs d’ici 2022, soit plus d’un million.
Faciliter la prise de décision dans les copropriétés
L’amendement prévoit que la décision d’installer des bornes de recharge électrique en copropriété peut être désormais prise à la majorité simple, si cela n’entraine pas de frais pour le syndicat des copropriétaires.