Décarbonation : objectif 2040
Alors que le programme Fit for 55, lancé en juillet 2021, prévoit la neutralité carbone à l’échelle européenne d’ici 2050, en passant par une réduction de 55% des émissions nettes de gaz à effet de serre pour 2030, l’Europe a décidé de programmer les objectifs intermédiaires de 2040, pour donner plus de lisibilité et de crédibilité au projet.
2040 : réduction de 90% des émissions
Le 15 janvier, les ministres de l’Environnement de l’UE se rencontrent afin de planifier les différents scénarios concernant les objectifs 2040 de la décarbonation. Cette réunion, sous l’égide de la présidence belge de l’Union aboutira à une proposition à la Commission européenne. Le 6 février, la Commission remettra son évaluation desdits scénarios avant qu’à l’automne prochain, le nouvel exécutif -qui sera élu en juin- ne soumette une proposition officielle au Parlement européen et au Conseil européen.
En octobre dernier, le commissaire chargé du climat, Wopke Hoekstra, proposait une réduction de 90% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. « Une baisse de 90% permettrait de maintenir le même niveau d’ambition et rythme de réduction [que la période 2020-2030]. Aller au-delà semble compliqué », estime Pascal Canfin, président de la commission Environnement au Parlement européen.
De son côté, le Conseil consultatif sur le climat, institution émanant de l’UE, prônait une réduction entre 90% et 95% en détaillant sa proposition : émissions « presque nulles » dans la production d’électricité, accélération du renouvelable, forte réduction des consommations énergétiques, possible limitation de l’élevage, -50% des importations de pétrole.
Craintes du monde industriel et du monde agricole
Les industriels d’Europe préviennent que les politiques de décarbonation doivent préserver leur compétitivité par rapport au reste du monde. « Cela [la décarbonation totale] n’est possible que si l’on a la certitude d’avoir accès à une énergie propre, compétitive, dans des quantités sans précédent, tout en égalisant les règles du jeu avec d’autres régions du monde qui ne partagent pas la même ambition climatique », avertissait Eurofer (l’association européenne du fer). L’association ajoute que la décarbonation de l’industrie sidérurgique de l’Europe « nécessiterait l’équivalent de la consommation actuelle d’électricité de l’Allemagne ».
Pour le Conseil européen de l’industrie chimique (Cefic), des solutions de financement solides doivent être disponibles pour supporter les investissements à faible intensité carbone. La crainte est que des prix élevés de l’énergie combinés à des coûts croissants du carbone ainsi que le manque de soutien financier de la part des gouvernements entrainent des délocalisations. « Les efforts de l’Europe pour réduire les émissions industrielles ne doivent pas conduire à la délocalisation de certaines parties des chaines de valeur industrielles vitales », alerte le Cefic.
Certains dirigeants des 27 ont appelé à une « pause » des législations environnementales, comme le PPE (Parti populaire européen) qui juge les textes verts trop contraignants pour les agriculteurs. Mais pour Pascal Canfin : « la réduction des émissions de CO2 dans l’agriculture n’est pas alignée sur les objectifs climatiques globaux », il envisage un « équivalent du marché du carbone sur les intermédiaires entre le consommateur final et les agriculteurs ».
Fixer des objectifs distincts
Des ONG, des think-tanks et des scientifiques ont récemment émis l’idée d’établir des objectifs distincts pour la réduction brute d’émissions, pour les technologies de captures et de stockage de carbone ainsi que pour l’absorption de CO2 par les écosystèmes naturels. « Une cible nette ne fait pas la différence, mais l’idée qu’on pourra toujours retirer du carbone de l’atmosphère ultérieurement peut conduire à ralentir les efforts de réduction d’émissions, qui doivent rester la priorité », rétorquait Fabiola De Simone, de l’ONG Carbon Market Watch.
Pas assez ambitieux pour les environnementaux
Les groupes environnementaux ont montré leur déception face à cet objectif de réduction de 90% d’émissions nettes. Pour eux, il faut être plus ambitieux pour 2040, afin d’être conforme aux accords de Paris, comme l’exprime WWF : « La position du WWF est que l’UE devrait viser la neutralité climatique- une réduction de 100% des émissions nettes- d’ici 2040 et réduire les émissions de 65% d’ici 2030 ».