Xavier Blot, professeur spécialisé dans la transition énergétique à l'EM Lyon aborde le VNU, mécanisme qui remplacera l’ARENH au 1er janvier.
Xavier Blot.

Fin d’année oblige, Opéra Energie dresse un bilan de l’énergie en 2025 et se projette en 2026 à la faveur d’un long entretien en trois parties avec Xavier Blot, professeur associé spécialisé dans la transition énergétique à l’Ecole de Management de Lyon. Dans ce premier volet, est abordé le versement nucléaire universel, mécanisme qui remplacera l’ARENH au 1er janvier prochain.

Opéra Energie : Le 1er janvier 2026, l’ARENH prendra fin et sera remplacé par le VNU. Pouvez-vous nous expliquer le besoin de changement de mécanisme ?

Xavier Blot : Les infrastructures énergétiques demandent d’importants investissements. Le marché à terme, qui est le mètre étalon n’offre de projection qu’à 3 ans. Au-delà on se situe à un niveau d’incertitude élevé, du fait des politiques nationales, de la géopolitique, de la disponibilité des différents actifs de production. Or, il y a un besoin de visibilité pour sécuriser les investisseurs. En France, l’infrastructure nucléaire en fait un cas particulier. L’objectif était double : ouvrir le marché français à la concurrence et sécuriser une partie de l’approvisionnement à un niveau attractif. Il y a donc des enjeux à la fois réglementaires et à court terme.

L’ARENH, dans ce contexte-là, était un dispositif transitoire qui a permis d’offrir un prix d’électricité très attractif pour un certain nombre de clients, mais qui n’assurait pas de revenus suffisants à EDF pour couvrir ses investissements futurs. Aujourd’hui, nous sommes dans un contexte où l’arbitrage sur cette infrastructure change. Qui paie ? Le consommateur ? L’Etat ? EDF ? Répond-t-on à un intérêt court-terme sur le pouvoir d’achat ou un intérêt plutôt long-terme sur le financement de notre infrastructure électrique et nucléaire ?

OE : Comment fonctionne le versement nucléaire universel ?

XB : Grâce au rapport récent de la CRE, nous avons une estimation plus précise du coût du nucléaire historique. Il y a deux types de coûts : d’abord, le coût complet du nucléaire historique soit 60,3 €/MWh ; ensuite la valeur captée par EDF qui est de 65,86 €. Grâce à ces chiffres, les autorités ont des éléments pour définir de nouveaux seuils de taxation permettant à la fois de couvrir les opex du nucléaire existant et de proposer à EDF une marge qui permette à l’énergéticien d’investir sur des actifs futurs.

Pour résumer, il faut dire que le VNU s’inscrit dans une logique de libéralisation. Comprenons que le VNU offre la liberté à EDF d’écouler sa production sur le marché d’électricité à court et à long terme. L’idée est donc de fournir un dispositif capable de prélever les surprofits d’EDF, de les caper et de les reverser au consommateur.

La taxation des surprofits se réalise par tranches. On devrait avoir un premier taux de prélèvement de 50%, déclenché entre 65,3 € et 80, 3 €/MWh ; puis un second taux de 90 % dans une tranche de 95,3 € à 115,3 €/MWh.

« Tout ce que nous disons aujourd’hui peut être faux dans un mois, du fait du nombre de décrets et des débats en cours »

OE : Certaines voix, de sénateurs mais aussi d’experts se sont élevés pour remettre en question l’aspect redistributif du VNU. Compte tenu du faible écart entre le coût moyen de production et le prix moyen de valorisation, la redistribution au consommateur est quasiment nulle. Peut-on réellement parler du VNU comme d’un système redistributif ?

XB : En effet. Aujourd’hui on aurait une redistribution à hauteur de 0,56 €/MWh pour le premier seuil, ce qui n’est pas intéressant pour le consommateur. Mais, toutes les hypothèses sont fondées sur un prix du marché que l’on ne peut prévoir. C’est une incertitude énorme pour tout le monde. Ce n’est pas intéressant, en l’état, pour le client mais c’est aussi un risque pour EDF du fait de l’absence de prix plancher.

Autre caractéristique : le VNU n’est pas « future-proof ». Il existe tant de paramètres que beaucoup de choses restent à la discrétion du gouvernement en place. Lesdits paramètres sont donc susceptibles d’évoluer au gré des ambitions politiques des gouvernements. Le VNU est d’une complexité forte.

OE : En cas de nouvelle crise de l’énergie, semblable à celle que nous avons connu en 2022-2023, peut-on être sûr que ce nouveau mécanisme jouera un rôle protecteur pour les consommateurs ?

XB : Il faut tout d’abord comprendre que tout ce que nous nous disons aujourd’hui [interview réalisée le 21 novembre 2025] peut être faux dans un mois du fait du nombre de décrets et des débats en cours. Pour l’heure, l’article 41 du projet de loi de finances stipule que la redistribution serait fléchée sur les 4 mois de plus faible tension du réseau, donc durant la fin du printemps et l’été, ce qui ne fait pas sens car cette stratégie ne permettrait pas de protéger les consommateurs dans les pires mois de l’hiver. Et à l’heure où l’on parle de flexibilité, cette orientation ne permet ni de sécuriser le consommateur, ni d’actionner des patterns favorisant le décalage de la consommation.

OE : En somme, le VNU reste à la fois compliqué à saisir et complexe à mettre en place, si l’on comprend bien ?

XB : Il faut lire les débats au prisme des tensions politiques et des volontés des parties prenantes. Il y a, du côté d’EDF, une envie de se positionner avec plus de force sur le pilotage de sa production. On l’a vu dans la négociation des contrats avec les acteurs électro-intensifs ; EDF a fait peu de concession.

Une chose est sûre : le VNU – tel qu’il est discuté aujourd’hui, vu le nombre de paramètres ainsi que les incertitudes présentes – est une représentation totale du manque de gouvernance que nous avons en France actuellement. C’est la conséquence de l’absence de PPE. Le seul outil sanctuarisé est le TRV. C’est le seul monopole naturel qui restera de l’héritage français.

Propos recueillis par Giovanni DJOSSOU pour Opéra Energie

A venir : 2e partie sur l’état de la transition énergétique dans le monde

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.