À partir du 1er novembre, la France revoit en profondeur son système d’heures creuses. Les plages de tarifs réduits, historiquement concentrées la nuit, seront en partie déplacées en journée afin de mieux aligner la consommation avec la production solaire désormais excédentaire.
Des milliers d’entreprises et 11 milliers de foyers concernés
Conformément à la délibération tarifaire de la CRE du 6 février 2025, le nouveau régime d’heures pleines et creuses entre en vigueur le 1er novembre 2025, pour s’étendre progressivement jusqu’à octobre 2027. Ce dispositif vise à déplacer partiellement les heures creuses vers l’après-midi, entre 11 h et 17 h, période où la production d’électricité, notamment solaire, est la plus abondante. Cette réforme, portée par la CRE, concerne près de 11 millions de foyers mais aussi un grand nombre de petites entreprises, et vise à optimiser l’usage du réseau électrique dans un contexte de transition énergétique accélérée.
Aujourd’hui, 40 % des foyers et petites entreprises ont opté pour cette tarification différenciée, leur permettant de réduire leurs factures s’ils adaptent leurs usages électriques — chauffe-eau, lave-linge ou recharge de véhicule — aux périodes creuses. Chez EDF, ces heures sont 21 % moins chères que les heures pleines, bien que l’abonnement coûte 4 euros de plus par mois.
Selon Enedis, gestionnaire du réseau, 1,7 million de clients seront concernés dès le 1er novembre. Les plages horaires situées le matin (7 h – 11 h) et le soir (17 h – 23 h) seront supprimées au profit de créneaux plus « solaires ». « Nous visons d’abord les ménages dont les heures sont les moins bien placées, car ils créent des pointes de consommation problématiques pour le réseau », explique Enedis.
Une deuxième salve, prévue au second semestre 2026, touchera 9,3 millions de clients supplémentaires, et introduira la saisonnalité : des plages horaires distinctes pour l’hiver et l’été. « Plus de la moitié des foyers auront des plages horaires différenciées, avec, par exemple, toutes leurs heures creuses au cœur de la nuit en hiver et réparties en deux périodes, l’après-midi et la nuit, en été », précise la CRE.
Les entreprises sont également appelées à s’adapter. Celles qui disposent de contrats à heures creuses — notamment dans l’artisanat, la restauration, la boulangerie ou les PME industrielles — devront revoir leurs cycles de production ou leurs horaires de fonctionnement. Pour certaines activités, comme la chaîne du froid, la recharge des véhicules de flotte ou les process énergivores de l’agroalimentaire, le déplacement des heures creuses en journée pourrait devenir un atout. En revanche, les entreprises à activité nocturne risquent de voir leurs gains diminuer. « Cette réforme favorise les usages diurnes, ce qui est cohérent avec la production solaire, mais moins avantageux pour les entreprises opérant la nuit », souligne Marc Benhaïm, analyste énergie au cabinet Capenergies.
Consommer malin : les nouveaux réflexes pour ménages et entreprises
Ce basculement ouvre de nouvelles opportunités d’économies. L’électricité est désormais bien moins chère en journée : le 17 octobre, le mégawattheure s’échangeait à 30,50 € à 16 h contre 117,40 € à 20 h 30 sur le marché, selon RTE. Un signal fort pour inciter les ménages comme les entreprises à déplacer leurs usages vers les heures d’ensoleillement. Les consommateurs verront ainsi leurs appareils intelligents (chauffe-eau, véhicules électriques, pompes à chaleur) s’adapter automatiquement via les compteurs Linky. Pour les équipements non connectés, une reprogrammation manuelle sera nécessaire.
Du côté des entreprises, le changement pourrait encourager une meilleure flexibilité énergétique. Les sites équipés de compteurs communicants pourront programmer automatiquement leurs machines, compresseurs ou équipements frigorifiques pour fonctionner durant les nouvelles heures creuses. « Cela peut générer jusqu’à 10 % d’économie annuelle sur la facture pour une PME capable de moduler sa consommation », estime Nathalie Faure, spécialiste en gestion énergétique chez Effy Pro.
Les fournisseurs d’énergie ont, de leur côté, un devoir d’accompagnement. « La question sera de savoir si les heures restent rentables sur la base du comportement actuel des foyers et des entreprises », souligne Lancelot d’Hauthuille, directeur général d’Octopus Energy. Selon lui, pour rentabiliser l’option heures creuses, il faut consommer au moins 40 % de son électricité pendant ces périodes. En cas contraire, une option de base – au tarif unique toute la journée – pourrait s’avérer plus avantageuse.
Enfin, 2 millions de foyers et plusieurs dizaines de milliers d’entreprises recevront une notification officielle de leur fournisseur avant le 1er novembre, conformément au code de la consommation. « Si vous n’avez reçu aucun avertissement, c’est que vous n’êtes pas concerné », assure Caroline Keller, porte-parole du Médiateur national de l’énergie.
En redessinant la carte horaire de l’électricité, la France espère ainsi mieux synchroniser production renouvelable et consommation, tout en renforçant la compétitivité énergétique des acteurs économiques capables d’adapter leurs usages à cette nouvelle ère solaire.
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.