Post ARENH : le Sénat demande des précisions
Auditionné par la Commission électricité le jeudi 23 mai, Roland Lescure, ministre de l’Industrie et de l’Energie, a donné de nouvelles indications concernant la nouvelle régulation du nucléaire, ou Post ARENH, dont les modalités d’application restent floues.
Post ARENH : un « accord » entre EDF et l’Etat qui ne fait pas consensus
Le Sénat a demandé à Roland Lescure de revenir sur l’accord prévu pour remplacer le régime régulé actuel de l’ARENH en 2026.
Le ministre explique qu’il vise en premier lieu à assurer « un prix relativement abordable sur ce que les Françaises et les Français ont payé à savoir le parc nucléaire historique ».
Il permettrait à EDF de vendre son électricité à 70 €/MWh en moyenne sur la période 2026-2040, ce qui correspond « au coût de revient du nucléaire historique qui est aujourd’hui estimé par la CRE et qui fera l’objet de réévaluations régulières ».
En second lieu, cet accord doit permettre aux gros consommateurs d’électricité de bénéficier de prix inférieurs à 70 €/MWh et d’avoir de la visibilité sur les volumes.
Enfin, il doit éviter « une montée des prix au plafond » en cas de nouvelle crise énergétique et agir comme un « court-circuit» au bénéfice des consommateurs.
Le bât blesse
Pour que ce dispositif prenne forme, cela implique la contractualisation entre EDF et les industriels énergivores de contrats de fourniture d’électricité nucléaire à long terme (CAPN), qui représentent, selon le ministre, entre 30 et 40 TWh/an.
« Ces contrats sont en train d’être signés, mais cela n’avance pas assez à mon goût » reconnait Roland Lescure.
À ce jour, EDF n’a en effet signé que trois lettres d’intention pour ces CAPN, représentant un volume total de 10 TWh, avec des industriels électro-intensifs.
Le ministre explique donc avoir encouragé EDF à « faire un effort sur les prix » et les industriels à « payer cette avance en tête » pour accélérer la signature des contrats.
« Il faut que ce risque soit un peu partagé entre tout le monde » , déclare-t-il. « Je ne veux pas qu’EDF se lance dans le renouveau nucléaire avec des sabots de plomb, et je ne veux pas non plus que l’industrie française se lance dans la compétition industrielle avec des sabots de plombs. »
En plus des trois lettres d’intention, EDF a signé début avril 671 contrats pour quatre à cinq ans, représentant un volume total de 20 TWh avec de plus petites entreprises. Toutefois, certains experts estiment que ce projet de régulation est irréaliste dans un contexte de forte baisse des prix de marché de gros.
A cela, Roland Lescure rétorque qu’un scénario de prix bas pour les 15 à 20 prochaines années reste « extrêmement peu probable », même s’il ajoute que cela dépendra de la consommation. « Si la consommation est durablement inférieure aux attentes, nous devrons peut-être reconsidérer la situation », a-t-il indiqué.
Il n’y a pas d’accord mais une feuille volante pour le Sénat
« Je n’appelle pas ça un accord, pour le moment j’ai vu une feuille volante » tacle Vincent Delaye, rapporteur de la commission d’enquête.
« Nous n’avons pas signé d’accord entre EDF et l’Etat. Ce qui nous importe c’est un accord entre EDF et ses clients » se défend le ministre.
Le gouvernement français prévoit d’ailleurs de tirer un premier bilan du dispositif d’ici fin juin en se basant sur les résultats d’une mission de médiation entre EDF et les industriels, annonce Roland Lescure. Cette mission, axée sur les négociations des contrats de fourniture d’électricité nucléaire à long terme, a été confiée à Philippe Darmayan, ancien PDG d’ArcelorMittal, et à Julien Janes, ancien directeur de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Interrogé sur les modalités de redistribution des revenus d’EDF en cas de prix hauts, le ministre choisit de temporiser, expliquant que « les modalités ne sont pas totalement arrêtées ». Enfin, Roland Lescure souhaite rassurer le Législateur, déclarant que « tout cela sera discuté dans le cadre législatif et sera présenté au Sénat et à l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année », sans pour autant préciser sous quel véhicule législatif