Pourquoi les prix de l’électricité pourraient ne pas baisser en 2024
Face à la nécessité croissante d’électricité décarbonée et pour stabiliser les prix de l’énergie, le gouvernement français a demandé à l’Électricien historique un surplus de 100 TWh d’ici la fin de la décennie. Un objectif raisonnable ? En tous les cas, le chemin pour y parvenir semble long…
La crise de la production nucléaire de 2022
En 2022, en plein cœur d’une crise énergétique mondiale exacerbée par les inquiétudes liées à la pénurie de gaz consécutives à la guerre en Ukraine et à la fermeture des gazoducs russes, la France a été confrontée en parallèle à une crise électrique sans précédent. La production totale d’électricité du pays a chuté à son niveau le plus bas depuis 1992, époque où la population française comptait neuf millions d’habitants de moins qu’aujourd’hui.
Le groupe a ainsi produit seulement 279 TWh d’électricité nucléaire, marquant une baisse de 30% par rapport à la moyenne des vingt dernières années et atteignant son plus bas niveau depuis 1998. La situation des réserves hydrauliques, déjà affectées par le manque de précipitations, a exacerbé la situation en réduisant la production électrique française de 12 TWh supplémentaires.
Résultat, déjà haussiers, les prix de de l’énergie ont flambé. Le 26 août 2022, les prix de l’électricité pour l’année 2023 en France ont atteint un niveau record en dépassant les 1000 €/MWh, vs 85 €/MWh un an plus tôt.
Depuis, la production nucléaire a augmenté et dans son sillage les prix se se sont détendus. Il faut dire qu’en avril dernier, le gouvernement a mis l’Electricien sous pression, lui demandant de se mettre en ordre de marche pour « aller chercher 100 TWh de plus » .
Des prévisions de production nucléaire qui stagnent
Cependant, malgré la quasi-fin de l’impact du Covid sur les plannings et la résolution du problème de corrosion qui n’affectera plus les installations dès 2025, le rétablissement attendu ne se réalisera que de manière progressive selon les explications fournies par l’énergéticien.
EDF mise ainsi sur une production d’électricité nucléaire oscillant entre 335 et 365 TWh pour 2026, une fourchette identique à celle de 2025, sans progression notable.
Une stagnation de la production qui contraste avec les prévisions de croissance continue annoncées jusqu’à maintenant : 300 à 330 TWh en 2023, puis 315 à 345 TWh en 2024, pour finalement atteindre 335 à 365 TWh en 2025.
Il est désormais évident que le parc nucléaire plafonnera à ce niveau, bien en deçà des 380 TWh enregistrés en 2019 et des quelque 400 TWh produits en 2015.
Le Grand Carénage freine la production
Le Grand Carénage, le programme de contrôle et de modernisation des centrales, serait en grande part responsable de cette stagnation. L’évolution des normes de sûreté post-Fukushima et la question de la prolongation de la durée de vie des réacteurs ont notamment fait s’allonger les périodes d’arrêt.
Les « visites décennales » imposent ainsi des arrêts majeurs tous les dix ans, impactant la production, en particulier pour les réacteurs de 1300 MW.
Pour accroître la production malgré ces interruptions prolongées, EDF a instauré en 2019 un programme nommé START 2025, visant à « optimiser les arrêts de tranche ». Cela passe par des ajustements au niveau du management et de l’organisation des équipes dédiées, ainsi que par un renforcement des formations et une standardisation de certaines procédures de maintenance. Selon l’entreprise, environ 80% des solutions prévues ont déjà été mises en œuvre d’ici novembre dernier et les premiers résultats de ce programme se révèlent encourageants.
Malgré tout, le retour à la production historique de 400 TWh parait incertain, même si EDF a annoncé le raccordement de l’EPR de Flamanville 3 (12 ans après la date initialement prévue).
L’EPR de Flamanville enfin raccordé en 2024
EDF a confirmé ce jeudi que le chargement du combustible de la centrale de Flamanville est prévu pour mars 2024, avec une mise en service courant d’année.
L’EPR devrait produite 14 TWh d’électricité d’ici à 2026, date de son premier arrêt. Cet arrêt, prévu sur plusieurs mois, vise à effectuer une « inspection exhaustive » du réacteur pour obtenir l’approbation finale de l’ASN, ainsi qu’à remplacer le couvercle de la cuve du réacteur présentant des défauts de fabrication.
Prudent, EDF a quoi qu’il en soit choisi de ne pas tenir compte de la production de Flamanville dans ses prévisions.
Prévisions qui n’envoient pas « un bon signal pour les prix de l’électricité » a souligné Julien Teddé, PDG d’Opéra Energie, aux Echos.