Le gouvernement modifie une nouvelle fois le diagnostic de performance énergétique, avec un changement de calcul qui revalorise les logements chauffés à l’électricité. Une décision technique aux conséquences politiques, économiques et écologiques, qui suscite autant de louanges que de critiques.
Un changement pour « mieux refléter la réalité du mix énergétique français »
Après des modifications en 2021 et 2024, le DPE – outil clé de la rénovation énergétique – connaîtra une nouvelle réforme dès le 1er janvier 2026. L’annonce a été faite par le Premier ministre, qui entend corriger une inégalité affectant les logements chauffés à l’électricité.
Le cœur du changement repose sur le coefficient de conversion de l’électricité, qui passe de 2,3 à 1,9. Ce coefficient permet de calculer l’énergie finale consommée à partir des factures. Selon le gouvernement, cette révision fera mécaniquement sortir 850 000 logements de la catégorie des passoires énergétiques (classes F ou G), soit 14 % des 5,8 millions de logements concernés.
Pour l’exécutif, cette évolution est justifiée par les caractéristiques du mix énergétique français, dominé par l’électricité d’origine nucléaire. Comme le précise Matignon, « cette évolution permettra de mieux refléter la réalité du mix énergétique français, largement décarboné grâce au nucléaire, et de corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu’ici les logements chauffés à l’électricité ».
La mise à jour des DPE existants pourra être faite gratuitement via la plateforme de l’ADEME, sans réévaluation à la baisse. Toutefois, le gain potentiel reste limité à un seul niveau sur l’échelle énergétique allant de A à G. « Il ne s’agit pas d’un avantage, mais de la suppression partielle d’un handicap imposé à tort », souligne Teoman Bakoglu, délégué général adjoint de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication.
« On ne va pas vendre maintenant un appartement F ou louer un appartement G alors qu’il pourrait changer d’étiquette au 1er janvier 2026 », Loïc Catin, président de la Fnaim.
Requalification : un affaiblissement du dispositif ?
Si la réforme est saluée par plusieurs acteurs du secteur immobilier, elle n’échappe pas aux critiques. « Cette modification évite à certains logements de moins de 40 m² d’être classés comme des passoires thermiques parce qu’ils sont à l’électricité, alors qu’ils ne l’auraient pas été s’ils avaient été chauffés au gaz », explique Nicolas Goldberg, expert en énergie chez Colombus Consulting. Cette « requalification » sans travaux suscite aussi de l’ironie. « 14% des logements à étiquette F ou G ne seront plus des passoires, sans même faire des travaux, c’est magnifique », a commenté David Rodrigues, responsable juridique à la CLCV. La start-up KRNO, spécialisée dans l’analyse des DPE, juge la réforme « mal pensée, mal préparée, et totalement arbitraire ». Ruben Arnold, son dirigeant, estime que le chiffre de 850 000 logements reclassés est « largement surévalué » et que la réforme « affaiblit de manière perverse le dispositif ».
Sur le plan politique, Mathieu Darnaud, président des sénateurs Les Républicains, juge la réforme « largement insuffisante » et réclame une « équité entre les Français qui utilisent l’électricité et les autres, qui se chauffent au gaz, au bois ou au fioul ». Même Loïc Cantin, président de la Fnaim, bien qu’en faveur de la réforme, regrette que le nouveau coefficient ne descende pas à 1,5, ce qui aurait eu un effet plus marqué sur les classements.
Du côté du gouvernement, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, salue « une victoire pour notre mix électrique décarboné à 95 %, grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables », y voyant « un signal fort en faveur de l’électrification des logements ».
Mais la mise en application prévue pour janvier 2026 inquiète les professionnels. « On ne va pas vendre maintenant un appartement F ou louer un appartement G alors qu’il pourrait changer d’étiquette au 1er janvier 2026 », s’alarme Loïc Cantin, craignant un blocage temporaire du marché. D’autant que les étiquettes énergétiques influencent fortement les prix : selon une étude de SeLoger, les logements classés F ou G se vendent 15 % moins cher que ceux classés D. Un simple changement de coefficient pourrait donc entraîner des conséquences significatives sur les transactions à venir.
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.