Réforme du marché de l’électricité : une question politique
Alors que se déroule en ce moment le séminaire franco-allemand de Hambourg, où les gouvernements des deux nations échangeront sur divers sujets – énergie en tête, l’exécutif français a multiplié les annonces concernant la réforme du marché de l’électricité, oscillant entre défiance et recherche de concorde avec l’Union européenne.
Le spectre du sentiment anti-européen
Le cœur de la crise de l’énergie, lors du second semestre 2022, a mis en lumière certains dysfonctionnements, comme l’indisponibilité des centrales nucléaires françaises (Selon RTE, seulement 62,7% de l’électricité produite en France en 2022 provenait de son parc nucléaire).
Dans ce contexte, le mécontentement des ménages et des professionnels – on pense notamment à la crise des boulangers- a trouvé un écho dans les partis d’oppositions eurosceptiques comme le RN ou la FI, qui ont fait du marché le responsable tout désigné de cette crise. Ces oppositions ont invité, à plusieurs reprises, le gouvernement à faire cavalier seul en se retirant du marché européen et en créant un mécanisme national pour retrouver un contrôle des prix.
C’est la route que semblait vouloir emprunter l’exécutif lors de la présentation de la planification écologique par Emmanuel Macron, en direct de l’Elysée, le 25 septembre dernier : « Nous allons reprendre, d’ici la fin de l’année, le contrôle des prix de notre électricité »*, annonçait alors le président. Une stratégie de communication pour apaiser les anti-européens et éviter une rupture totale ? Ou une vraie volonté de souveraineté pour retrouver sa compétitivité ?
Une volonté de trouver une solution européenne
L’Allemagne, dépendante du gaz, anti-nucléaire, soucieuse de demeurer compétitive face à son voisin, voit d’un mauvais œil cette tentation soliste de la France. D’ailleurs, depuis l’annonce de l’Elysée, Emmanuel Macron a nuancé son propos. Lors du sommet européen de Grenade, le 6 octobre dernier, le président de la République a appelé à ne pas « se noyer dans les détails », réclamant une unité au sein des pays membres et pointant la dépendance vis-à-vis de la Russie comme le véritable ennemi. « J’ai bon espoir qu’on trouve un accord sur la réforme parce que le bon sens ne doit jamais être l’ennemi de la stratégie », a déclaré Emmanuel Macron.
De son côté, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire a mis en garde contre un projet strictement national : « Sortir du marché européen c’est sortir de l’Union européenne, tout court. C’est comme ça qu’a commencé le Brexit ».
Pour Nicolas Goldberg, analyste et associé chez Colombus Consulting, sortir du marché européen est illusoire : « Ce n’est pas crédible une minute (…) Si on avait fait ça l’an dernier, je n’aurais pas donné cher de notre approvisionnement pendant l’hiver », a-t-il expliqué pour Le Monde.
Un accord européen pour contrer la stratégie américaine
L’Inflation Reduction Act (IRA), mis en œuvre par l’administration Biden en août 2022, a ouvert de nouvelles perspectives d’investissements pour les industriels – notamment européens. Pour la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, il est essentiel de trouver un accord sur la réforme du marché de l’électricité, en Europe. Sans accord, les entreprises françaises et allemandes pourraient décider d’investir aux Etats-Unis afin de bénéficier des fruits de l’IRA.
En ce sens, la France travaille à un projet de plafonnement des prix et de captation de la rente dégagée pour la redistribuer aux particuliers et aux entreprises, sous forme d’aides. Une idée qui sera certainement discutée au séminaire de Hambourg. « J’espère que les allemands seront prêts, dans tous les sens du terme, à nous permettre de trouver ce compromis », a conclu la ministre.
*allusion claire au slogan du Brexit « Take Back Control »