
Un rapport, publié ce 13 mai prévoit un bond des cours du gaz en 2025, du fait de la hausse de la demande mondiale et du contexte géopolitique. Une situation qui pourrait renforcer la dépendance de l’Europe.
Un contexte internationale défavorable
Les cours du gaz, sur la dernière année, ont retrouvé une silhouette raisonnable après les sommets connus lors de la crise de l’énergie. En 2024, on enregistrait en moyenne un prix du MWh à 35 €, contre 41 €/MWh en 2023 et 132 €/MWh en 2022. Pourtant, dans son rapport publié ce mardi 13 mai, le Cercle Cyclope – référence française sur les questions de matières premières – annonce une hausse des cours du gaz de 23% en Europe et 55% aux Etats-Unis, à l’issue de l’année en cours.
L’Europe serait en « équilibre instable » selon le rapport ; instabilité née à la fois de la guerre en Ukraine mais également de la fermeture, le 1er janvier dernier, du gazoduc de Gazprom livrant le gaz russe à l’Europe via l’Ukraine. Cette fermeture a entrainé une perte avoisinant les 15 milliards de mᶾ de gaz par an, soit 4% de son approvisionnement total.
A cela s’ajoute la baisse de exportations algériennes liées à une baisse de production et une hausse de la demande intérieure du fait de la massification de climatisation.
A l’intérieur de ses frontière l’Europe rencontre des difficultés avec une régression de sa production. Le bassin de Groningen (Pays-Bas) a fermé, pendant que le gisement britannique en Mer du Nord connait un déclin. Seules les exportations norvégiennes sont en progression sur le vieux continent.
Enfin, en Asie, les fortes importations de l’Inde et de la Chine – qui ont beaucoup importé de GNL- provoquent une chute des importations en Europe et des réservoirs de gaz moins remplis que l’année passée.
Hausse de la demande mondiale
« La demande est forte ». C’est en ces termes que le ministre de l’Energie du Qatar, Saad al-Kaabi, décrit la situation. L’hiver 2025, plus rude que celui de l’année passée et affaissant les stocks de gaz, peut offrir une explication conjoncturelle. Mais, « le monde a besoin de plus de gaz » de manière structurelle, comme l’explique Yves Jégourel, coresponsable du rapport. Face à la concurrence internationale accrue, l’Europe doit jouer serrer et diversifier ses sources d’importation. L’Union européenne qui a toujours pour ambition de se passer totalement de gaz russe d’ici 2027, compte sur le gaz azerbaïdjanais, entre autres pour combler ses besoins.
Le monde est tenu de produire davantage, donc. Dans ce contexte, le GNL pourrait être préféré au gaz livré par gazoduc car il peut être facilement réorienté vers des marchés rémunérateurs. Selon l’AIE, la capacité mondiale de GNL devrait atteindre les 850 milliards de mᶾ en 2030, contre 580 actuellement. « De nouvelles capacités de liquéfaction sont mises en œuvre cette année aux Etats-Unis », précise Thierry Bros, expert en énergie et professeur à Science Po.
Dans ce domaine, l’Europe semble avoir peu d’alternative, à l’inverse de ses concurrents asiatiques. Encore une fois : du fait de la guerre en Ukraine et de la fermeture du détroit d’Ormuz qui représentait 20% du transit mondial de GNL, « l’Europe est devenue très dépendante du GNL et à la merci des risques géopolitiques », ajoute Thierry Bros.
Dépendance au GNL étasunien
Les États-Unis, sous l’impulsion de leur président, facilitent les exportations de tout en GNL, accentuant leur pression sur l’Europe pour qu’elle augmente ses importations de gaz américain. Cette stratégie devrait fortement contribuer à l’augmentation de l’offre mondiale de GNL. Conséquence directe : l’influence des États-Unis sur l’Europe – qui dépend déjà à plus de 40 % du GNL américain – risque de s’accentuer davantage.
À Paris, le ministère de l’Énergie tire la sonnette d’alarme, appuyé par plusieurs dirigeants d’entreprises françaises et européennes. Tous mettent en garde contre une trop grande dépendance envers le gaz américain. Certains s’inquiètent notamment de voir les États-Unis, confrontés à une demande croissante de leur industrie et aux besoins énergétiques exponentiels liés au développement de l’intelligence artificielle, privilégier leur propre consommation au détriment des exportations vers l’Europe. Face à ce risque, une proposition jusqu’ici jugée impensable refait surface : importer à nouveau du gaz russe, y compris celui de Gazprom. Pour l’industrie chimique allemande, rouvrir les gazoducs permettrait de faire baisser les prix plus efficacement que l’ensemble des dispositifs de subvention actuellement en place.
Entre dépendance au gaz russe ou au gaz américain, le dilemme est complexe. « Et pourquoi, alors que Bruxelles affirme que nous aurons encore besoin de gaz pour les vingt-cinq prochaines années, ne pas miser sur nos propres ressources ? » s’interroge Thierry Bros. Il évoque à ce titre la proposition faite en février par le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, de lancer des forages au large de la Guyane.
Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste de presse écrite dans différents journaux et magazines pendant plus d’une décennie.
Spécialisé dans le secteur de l’énergie depuis 2023, il a la charge de la rédaction d’articles, de la conduite d’interviews ainsi que de la création de programmes pour Opéra Energie.