Mis en place dans le cadre de la loi ELAN, le décret tertiaire impose aux entreprises de réaliser des économies d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1000 m². Appelé aussi Dispositif Eco-Energie Tertiaire (DEET), il s’agit d’une mesure en faveur de la transition énergétique. Décryptage d’une mesure phare.

Décret tertiaire : définition et enjeux

Le décret tertiaire, également appelé « dispositif Eco-Energie tertiaire » fixe les obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie dans les bâtiments tertiaires. Le décret est entré en vigueur en octobre 2019 et s’inscrit dans la continuité de la loi Elan. Il concerne les propriétaires et les locataires de bâtiments tertiaires dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m2.

Un nouveau calendrier est fixé, avec une première échéance en 2030, puis des obligations à respecter pour chaque décennie jusqu’en 2050. S’il respecte ainsi le calendrier de la loi de transition énergétique, il est à noter que, la première échéance de l’obligation étant 2030, l’ancienne obligation de réduction de 25 % pour 2020 n’a donc plus cours. Une conséquence directe de l’annulation juridictionnelle opérée par le Conseil d’Etat.

Dans le cadre du décret tertiaire, les assujettis doivent déclarer annuellement leurs données de consommation sur la plateforme Operat.

Déclaration Operat : jusqu’au 30 septembre 2024 pour les consommations de l’année 2023

Les assujettis ont jusqu’au 30 septembre 2024 pour déclarer leurs données de consommation 2023 sur la plateforme Operat.

Qui est concerné par le décret tertiaire ?

Les bâtiments assujettis

Le décret tertiaire englobe les bâtiments hébergeant uniquement des activités tertiaires comme ceux à usage mixte (à partir du moment où les activités tertiaires représentent une surface de plancher cumulée égale ou supérieure à 1000 m2).

Les secteurs d’activités concernés

Le décret tertiaire comme son nom l’indique concerne d’abord le secteur tertiaire. A savoir, les activités suivantes :

  • Bureaux
  • Services publics
  • Enseignement
  • Santé
  • Justice
  • Commerces
  • Hôtellerie et Restauration
  • Résidences de tourisme & Loisirs
  • Sport
  • Culture et spectacles
  • Logistique
  • Aérogares
  • Gares ferroviaires, routières, maritime ou fluviale
  • Vente et services automobiles, moto ou nautique
  • Salles et centres d’exploitation informatique
  • Stationnement
  • Blanchisserie
  • Imprimerie et reprographie

Quelles sont les bâtiments exclus du décret tertiaire ?

Quelques typologies de bâtiments sont toutefois exemptées :

Cela touche aussi les ensembles de bâtiments situés sur une même unité foncière dès lors que la surface de plancher dévolue aux activités tertiaires atteint les 1000 m2.

  • les constructions ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire,
  • les bâtiments ou parties de bâtiments destinés au culte,
  • les bâtiments ou parties de bâtiments destinés à la défense, sécurité civile ou sûreté intérieure du territoire.

Quoi qu’il en soit, pour ajuster les objectifs du décret tertiaire à leur activité, les professionnels devront se doter rapidement d’outils capables de dresser un état initial de leurs consommations !

Sont également concernés les structures du secteur tertiaire non-marchand qui disposent de bureaux à usage tertiaire de plus d’au moins 1 000 m² (bâtiments publics, établissements de santé, etc.)

En sont exemptés les constructions précaires, les lieux de culte et le secteur de la défense.

Quels sont les objectifs du décret tertiaire ?

Responsables de 45% des consommations d’énergie finale en France et de plus de 20% des émissions de gaz à effet de serre, les bâtiments résidentiels et tertiaires constituent le second poste le plus important de consommation d’énergie en France, loin devant les transports et l’industrie.

A lui seul le tertiaire représente ⅓ de ces consommations : la rénovation énergétique de ce secteur constitue donc un levier déterminant pour atteindre les objectifs européens d’économie d’énergie.

Deux types d’objectifs sont déterminés dans le cadre du décret tertiaire pour réduire les consommations d’énergie des bâtiments tertiaires. Voyons cela ensemble.

Décret tertiaire

Une réduction du niveau des consommations annuelles d’énergie finale en valeur relative

Le nouveau décret tertiaire fixe les échéances d’économies d’énergie par rapport à une consommation de référence qui ne peut être antérieure à 2010 :

  • – 40 % d’ici 2030 ;
  • – 50 % d’ici 2040 ;
  • – 60 % d’ici 2050.

Comment bien choisir son année de référence pour le décret tertiaire ?

Afin de bien choisir son année de référence, il convient de se baser sur l’historique des consommations de l’entreprise et calculer précisément le facteur climatique. Ainsi, il est possible de gagner 5% ou 6% sur l’objectif final. Pour ce faire, il est souvent nécessaire de passer par un service de conseil en énergie.

Un seuil de consommation à atteindre en valeur absolue (en kWh/m²/an)

Ce seuil de consommation en énergie finale est fixé en valeur absolue en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie. « Cette option sera surtout intéressante pour les bâtiments les plus récents, ou pour ceux qui ont déjà fait l’objet de travaux » commente Emmanuel Acchiardi. Le niveau à atteindre pour chaque échéance est déterminé par un arrêté et est fixé sur la base d’indicateurs spécifiques pour chaque catégorie d’activité.

Quelle que soit la méthode retenue pour déterminer l’objectif de réduction, le volume de l’activité exercée dans le bâtiment peut être pris en compte : l’arrêté ministériel doit venir préciser ce point pour chaque catégorie d’activité.

Que se passe-t-il en cas de changement et/ ou de cessation des activités tertiaires ?

Les propriétaires et les preneurs restent soumis à l’obligation même si la surface concernée passe en dessous du seuil des 1000 m2, dès lors qu’ils continuent à y exercer des activités tertiaires. En cas d’évolution de l’activité tertiaire, de nouveaux objectifs sont fixés, la réduction de consommation visée étant basée sur un niveau de consommation de référence initiale.

Quelles sont les échéances du décret tertiaire ?

En raison de la crise sanitaire de la Covid-19, les autorités publiques ont décidé de repousser la première échéance du décret tertiaire. Les entreprises devront entrer avant le 30 septembre 2022 dans la plateforme OPERAT de l’Ademe leurs données de consommation énergétique finale de l’année 2020 et de l’année 2021. Finalement, les entreprises ont jusqu’au 31 décembre 2022.

Ensuite, les prochaines échéances du décret éco énergie tertiaire auront lieu selon le calendrier suivant :

  • Le 30 septembre 2026, le dépôt de dossier technique de demande de modulation d’objectif ;
  • Le 31 décembre 2030, premier pallier d’objectif doit être atteint. Ce 1er objectif correspond à une réduction des consommations énergétiques de 40% ;
  • 31 décembre 2021 : contrôle de l’objectif 2030.
  • 31 décembre 2040 : deuxième pallier d’objectif de réduction des consommations ;
  • 31 décembre 2041 : contrôle de l’objectif 2040.
  • 31 décembre 2050 : objectif de 60% de consommation de réduction par rapport à l’année de référence
  • 31 décembre 2051 : contrôle de l’objectif 2050

Décret tertiaire : comment se mettre en conformité ?

Pour faciliter la mise en œuvre, le législateur souhaite offrir un cadre le plus souple possible.

Des objectifs modulables

Il existe en effet des possibilités de modulation des objectifs, en fonction :

  • De contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés ;
  • D’un changement de l’activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ;
  • De coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale.

« La méthodologie de calcul de ces différentes modulations sera précisée dans l’arrêté relatif à l’application du décret tertiaire. De plus, ces modulations devront obligatoirement être justifiées par un dossier technique. »

Le décret tertiaire introduit également deux nouvelles dispositions qui permettent de déduire de la consommation d’énergie :

  • la chaleur fatale autoconsommée par les bâtiments,
  • l’énergie liée à la recharge des véhicules électriques et hybrides rechargeables.

En ce sens, il se rapproche des réflexions menées dans le cadre de certifications environnementales (HQE, LEED…).

« Actions » : le maître mot du décret tertiaire

Désormais, on ne parle plus de travaux mais d’« actions ». Un glissement sémantique qui n’est pas anecdotique.

Si l’ancien décret tertiaire parlait d’obligations de travaux, il ne fixait que des obligations de résultats et pas de moyens. La réalisation des économies grâce à un changement des comportements des occupants, une meilleure gestion des équipements et/ou un zeste de domotique pouvait faire l’affaire. Mais les acteurs ont, semble-t-il, souhaité supprimer certains termes confusants, même si l’esprit reste le même

 Actu Environnement

Par « actions », le décret tertiaire désigne donc non seulement des travaux au sens propre du terme mais aussi tout ce qui a trait aux comportements des usagers, aux bonnes pratiques quotidiennes ainsi qu’à la maintenance des équipements.

Les actions à déployer peuvent ainsi porter sur :

  • La performance énergétique des bâtiments ;
  • L’installation d’équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements ;
  • Les modalités d’exploitation des équipements ;
  • L’adaptation des locaux à un usage économe en énergie et le comportement des occupants.

Décret tertiaire : les étapes d’une stratégie efficace

Les entreprises peuvent se préparer correctement à respecter les exigences du décret tertiaire. Pour cela, il existe plusieurs stratégies.

Réaliser un bilan carbone et/ou audit énergétique

Avant de mettre en œuvre des mesures spécifiques, il est essentiel de comprendre la portée et l’ampleur des émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise. Pour cela, il convient de réaliser un bilan carbone. Il recense les sources de rejets de GES selon 3 scopes ou périmètres. Cela permet de prioriser les travaux et actions à mener.

Les assujettis au décret tertiaire peuvent également réaliser un audit énergétique pour identifier les leviers d’actions permettant d’améliorer l’efficacité énergétique.

Mettre en place un logiciel d’energy management

Une gestion efficace de l’énergie est essentielle pour se conformer au décret tertiaire et, en même temps, pour réduire les coûts d’exploitation. Les logiciels de gestion technique du bâtiment (GTB) facilitent la collecte et l’analyse des données relatives à la consommation d’énergie d’un bâtiment. Cela permet d’identifier les gisements d’économies d’énergie et d’optimiser l’utilisation des ressources, ce qui se traduit par une réduction des émissions de GES et des factures énergétiques.

Vous souhaitez être accompagné dans une stratégie dédié au décret tertiaire ?

Réaliser des travaux d’efficacité énergétique

Les travaux d’efficacité énergétiques sont essentiels pour mettre en œuvre des mesures concrètes pour accroître les performances de l’entreprise. Il peut s’agir d’isoler, de rénover le chauffage, de moderniser les équipements, d’optimiser les processus. Les travaux de rénovation peuvent faire l’objet d’une prise en charge via les Certificats d’Economies d’Energie (CEE).

Sensibiliser son personnel aux économies d’énergie

Enfin, il est possible de sensibiliser son personnel aux économies d’énergie. La formation aux écogestes peuvent avoir un impact significatif sur la réduction des émissions de GES et de la consommation d’énergie. Cela favorise également une culture d’entreprise axée sur la responsabilité environnementale.

Décret tertiaire : comment déclarer ses consommations sur la plateforme OPERAT ?

Le lancement d’une plateforme informatique centralisant les données de consommation pourrait générer une émulation et encourager l’amélioration de l’efficacité énergétique du parc immobilier tertiaire existant.

En attendant la première échéance de 2030, le gouvernement veut suivre les avancées du secteur.

Le décret tertiaire fixe ainsi les modalités de mise en place d’OPERAT, une plateforme informatique de recueil et de suivi des consommations d’énergie finale. Les propriétaires et preneurs à bail sont tenus de transmettre à partir de 2021 « au plus tard le 30 septembre, les données relatives à l’année précédente ».

Pour chaque bâtiment soumis à l’obligation, les propriétaires ou les preneurs à bail « selon leur responsabilité respective en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations » devront ainsi déclarer sur la plateforme :

  • Activités tertiaires exercées
  • Déclaration de l’Entité Fonctionnelle Assujettie (EFA)
  • Surface des bâtiments
  • Consommations annuelles d’énergie par type d’énergie
  • Année de référence avec les consommations associées et les justificatifs correspondants
  • Indicateurs d’intensité d’usage relatifs aux activités hébergées
  • Modulations prévues
  • Comptabilisation des consommations d’énergie finale liées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables.

Il est à noter qu’il est possible de déléguer « la transmission de leurs consommations d’énergie à un prestataire ou, sous réserve de leur capacité technique, aux gestionnaires de réseau de distribution d’énergie ».

Cette plateforme permettra de générer et de publier les consommations d’énergie finale et les objectifs de consommation sur la base d’une attestation numérique annuelle.

La plateforme OPERAT offre ainsi un suivi de l’obligation en proposant un baromètre d’avancement régulier mais : « Ces données sont rendues anonymes et leur exploitation ainsi que leur publication respectent le secret des affaires. »

Décret tertiaire : quelles sanctions encourues en cas de non conformité ?

Contraignant ou incitatif : quel type de dispositif a plus de poids lorsqu’il s’agit de rénovation énergétique ? En la matière, il semble que le décret tertiaire ait tranché privilégiant la bonne volonté des assujettis comme levier d’efficacité énergétique. Un parti pris que déplorent certains acteurs du secteur.

Si le propriétaire ou le preneur à bail ne respecte pas ses obligations de réduction des consommations et qu’il ne justifie pas ses manquements, le décret annonce des sanctions pouvant aller jusqu’à une amende administrative de 1500 € pour les personnes physiques et 7500 € pour les personnes morales.

En cas de non-respect de reporting, aucune sanction pécuniaire ne sera appliquée. Si le propriétaire ou le preneur à bail ne transmet pas les données de consommations via la plateforme en ligne, il s’expose à une mise en demeure de les transmettre dans un délai de 3 mois. A défaut, il sera procédé à la publication, sur un site internet des services de l’Etat, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet : c’est le principe du « name and shame »

Peut-on bénéficier d’un accompagnement au décret tertiaire ?

Il est possible de bénéficier d’un accompagnement au décret tertiaire. En faisant appel à un conseiller en efficacité énergétique, l’entreprise peut savoir comment réaliser les économies d’énergie nécessaires pour se mettre en conformité.

Cet accompagnateur vous proposera un plan d’action adapté à votre entreprise. En général, il se fonde sur un audit énergétique.

Décret tertiaire et décret BACS

Pour faciliter la réalisation des objectifs fixés par le décret tertiaire a été publié en parallèle le décret BACS (Building Automation & Control Systems). Dès 2025,  les bâtiments tertiaires devront s’équiper d’un « système d’automatisation et de contrôle des bâtiments ». Ce dispositif de management de l’énergie vise à suivre les consommations générées par les équipements de chauffage, éclairage, climatisation, etc.

Existe-t-il des formations au décret tertiaire ?

Oui, il est possible de former l’energy manager de l’entreprise au décret tertiaire. Des organismes comme le CSTB ou l’AFNOR proposent des formations dédiées éco-énergie tertiaire.

Le décret tertiaire : retour sur le cadre législatif

En 2010, la loi Grenelle II instaurait un dispositif visant la rénovation du parc de bâtiments tertiaires (bureaux, hôpitaux, enseignement, commerce, etc.). Elle imposait des réductions de consommation d’énergie aux bâtiments existants. En 2017, un décret d’application est publié. Il est annulé par le conseil d’état en juin 2018, en vertu du « principe de sécurité juridique » qui dénonce le délai trop court laissé aux obligés. Le Gouvernement prend acte et intègre dans l’article 175 de la Loi Elan une nouvelle mouture du texte.

Sorti en juillet 2019, le décret tertiaire est entré en vigueur le 1er octobre. Quelles sont les obligations de performance énergétique qu’il fixe ?

La loi Elan élargit le périmètre du décret tertiaire

Dans la version de 2017, seuls les bâtiments de + 2000 m2 de surface utile étaient impactés. Cela excluait de fait 70 % a minima des locaux tertiaires. Au contraire, le décret tertiaire 2019 « embarque tout le monde » comme l’a souligné Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction au Ministère de la Transition écologique et solidaire.

Ce sont en effet tous les bâtiments publics comme privés dans lesquels sont exercées des activités tertiaires sur une surface de plancher supérieure ou égale à 1000 m² qui sont désormais concernés. Soit environ 800 millions de m2 sur les 960 millions de m2 que compte le parc tertiaire français.

Propriétaires et locataires solidairement responsables

Le décret tertiaire veut impliquer les différentes parties prenantes. Propriétaires et preneurs à bail seront donc coresponsables des actions « qui relèvent de leurs responsabilités respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations ». C’est ensemble qu’ils doivent fixer les actions destinées à respecter l’obligation de performance énergétique et décider de la mise en œuvre des moyens correspondants.

Charlotte Martin
Responsable Communication

Sophie-Charlotte MARTIN, Conceptrice-Rédactrice spécialisée

Titulaire d'un master 2 en Lettres Classiques, complété d'un master 2 en Communication et d'un cycle web marketing à la CCI de Lyon, Sophie-Charlotte est intervenue sur des sujets aussi B2C que B2B, on et off line.

Régulièrement confrontée aux problématiques tertiaires et industrielles, elle s'est spécialisée en énergie. Aujourd'hui, elle garantit au quotidien la direction et la production éditoriale de l'entreprise. Sophie-Charlotte MARTIN est Responsable éditoriale d'Opéra Energie.