La consommation d’électricité, fidèle mesure de l’activité industrielle d’un pays
En France, la consommation du secteur industriel représente environ 25% de la consommation totale d’électricité. Or, depuis quelques années c’est bien la consommation de ces sites industriels qui définit la dynamique globale de notre consommation d’énergie. Et cela est d’autant plus vrai en période de crise économique : retour sur les liens entre activité industrielle et consommation d’électricité.
Une hausse historique
Depuis les années 70, l’évolution de la consommation d’électricité est tirée vers le haut par le secteur résidentiel-tertiaire. Ainsi, la consommation d’électricité française a quasiment été multipliée par 4, passant de 120 TWh en 1970 à plus de 450 TWh en 2008, soit une hausse de presque 3,5% par an en moyenne.
La démographie explique en partie cette hausse : en 1970, la population française était de 51 millions d’habitants, pour 65 millions en 2009, soit une hausse de 27% sur la période. Notons que d’autres facteurs sociologiques, plus étonnants, peuvent également entrer en ligne de compte (voir encadré ci-dessous et article du Moniteur sur le sujet).
Le divorce, facteur de surconsommation énergétique !
Lors d’un divorce, un foyer est divisé en deux, augmentant mécaniquement les usages énergétiques… Ainsi, la hausse des taux de divorce observée depuis la fin des années 70 a également tiré la consommation d’électricité française vers le haut. Des chercheurs de l’Université du Michigan auraient calculé que les divorces ont accru la consommation énergétique des Etats-Unis de 73 TWh !
Au-delà de la simple évolution de la population, le développement des usages de l’électricité est l’une des principales raison de cette augmentation, suivant l’adage de Marcel Boiteux, président d’EDF de 1967 à 1987 : « De plus en plus d’usages de l’électricité de moins en moins d’électricité par usages. »[1]. Bien entendu, le principal usage qui s’est développé au cours de cette période est le chauffage électrique, qui s’est notamment imposé face au fioul. En 2012, le seul chauffage électrique du secteur résidentiel-tertiaire représentait plus de 50 TWh.[2]
Source RTE
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Boiteux
[2] https://ufe-electricite.fr/IMG/pdf/5.pdf
L’industrie en baisse
Pourtant, cette augmentation recouvre des réalités bien différentes : la hausse de la consommation des ménages et du tertiaire masque en particulier une baisse sensible de celle du secteur industriel. L’évolution de la répartition des principaux secteurs dans la consommation d’électricité montre bien la baisse sensible de l’industrie en quinze ans.
Bien sûr, le développement des solutions d’efficacité énergétique explique une partie de cette baisse. Malheureusement, la désindustrialisation de la France, qui concerne en particulier les secteurs « électro-intensifs » (construction automobile, papier-carton, chimie, sidérurgie…) justifie en majorité cette diminution.
La crise de 2008 a mis en lumière la corrélation entre l’activité industrielle française et la consommation électrique. Entre 2008 et 2009, la consommation électrique industrielle a ainsi chuté de plus de 15 TWh, ce qui représente environ 3% de la consommation annuelle d’électricité en France.
Lien entre activité économique et électricité : l’exemple chinois
Le lien observé en France, lors de la crise économique, entre activité économique et consommation d’électricité est devenu un enjeu majeur en Chine. En 2007, Li Keqiang, futur premier ministre chinois, aurait déclaré que les statistiques du PIB étaient « pour référence seulement » et « créées par l’homme », et que pour ses propres besoins, il préférait examiner la consommation d’électricité, le volume de fret ferroviaire et les volumes de prêts ![1].
Depuis plusieurs années, la fiabilité relative des chiffres de la croissance chinoise ont poussé les analystes à examiner d’autres indicateurs, dont la consommation d’électricité, pour mesurer la santé de l’économie chinoise. Lors de la récente crise du COVID-19, des usines chinoises auraient même fait semblant de redémarrer, afin de simuler une hausse de la consommation d’électricité du pays ![2]. Ainsi, selon Les Echos : « Sous pression pour respecter les objectifs assignés, des chefs de district ont discrètement demandé aux usines de faire tourner les machines à vide, de laisser les lumières et les climatiseurs allumés, de manière à entraîner une surconsommation artificielle d’électricité, un indicateur de reprise d’activité régulièrement cité à Pékin. »
[1] https://thediplomat.com/2013/03/the-curious-case-of-chinas-gd-figures/
[2] https://www.lesechos.fr/monde/chine/coronavirus-quand-des-usines-chinoises-font-semblant-de-reprendre-1182031
Ce que la consommation d’électricité montre de la crise actuelle du COVID-19 en France
La crise actuelle et les mesures de confinement ont fait sensiblement chuter la consommation d’électricité en France, depuis la mi-mars 2020.
RTE a annoncé une baisse de la consommation globale en France d’environ 15%. Comme on peut le constater sur le graphique ci-dessous, cette baisse, quoique sensible, reste encore limitée : de l’ordre de grandeur de l’aléa lié au climat (rappelons qu’en hiver, en France, une baisse de 1°C de la température fait augmenter la puissance appelée par le réseau de plus de 2 GW, soit deux réacteurs nucléaires).
Si on observe les données communiquées par RTE relatives aux grands consommateurs raccordés directement à leur réseau, la baisse est nettement plus sensible. Ainsi, pour la seule industrie manufacturière, qui représente environ 45 TWh de consommation par an, la baisse observée avoisine les 30% depuis le début du confinement, soit une puissance d’environ 2 GW. Un chiffre impressionnant, qui reflète malheureusement l’impact de la crise actuelle sur l’activité industrielle française.