Crise du gaz : l’Europe doit-elle se préparer à une pénurie pour l’hiver 2023-2024 ?
Alarmistes ou prudents ? Plusieurs experts estiment que l’Europe n’est pas sortie de la crise gazière et que les prix pourraient plus que doubler l’hiver prochain.
L’Europe a échappé de justesse à la pénurie de gaz en 2022
Réunies à l’occasion de la conférence FLAME, qui réunit les acteurs mondiaux du gaz et du GNL, nombreuses ont été les voix à prôner la prudence.
Tous les analystes s’accordent à dire que si l’Europe a surmonté l’hiver 2022-2023 c’est principalement grâce à des conditions favorables climatiques, à une baisse volontariste de la consommation des ménages comme des entreprises et au faible appétit de la Chine, alors empêtrée dans la crise sanitaire.
Or une telle combinaison de circonstances a peu de chances de se reproduire. Le média spécialisé Bloomberg rappelle ainsi que « les contrats pour les mois d’hiver indiquent déjà des hausses de prix potentielles », soulignant encore que « beaucoup pensent que ces projections sous-estiment à quel point la situation pourrait devenir haussière une fois que le temps plus froid s’installera.».
L’Europe a été « en quelque sorte sauvée » cet hiver par un temps doux et une faible demande chinoise de GNL, a également alerté Anton van Heesewijk, responsable de la stratégie commerciale chez Jera Global Markets.
Par ailleurs, si la flambée des prix a bel et bien entrainé des réductions de la demande et des fermetures de capacité de production l’année écoulée, qu’en sera-t-il dans les prochains mois maintenant que les prix ont baissé ?
Le GNL : une alternative au gaz russe dont les prix vont rester élever
La chute des exportations de gaz russe a poussé l’Europe a augmenté ses capacités d’importation de gaz naturel liquéfié. Les terminaux méthaniers ont d’autant pu fonctionner à plein régime que la demande asiatique était faible.
Et le Vieux Continent continue de miser sur le GNL pour passer l’hiver à venir sans encombre. Une situation qui risque de tendre le marché et de soutenir les prix, ainsi que l’explique l’Institut d’analyse économique et financière de l’énergie (IEEFA) dans un rapport publié le 15 février dernier.
L’IEEFA annonce que les prix du GNL resteront élevés pendant au moins 3 ans. Ils pourraient en revanche commencer à baisser à partir de 2026. Cette baisse sera due à la combinaison de la mise en production de nombreux nouveaux projets et à la diminution de la demande, qui résultera du développement de plusieurs sources d’énergie alternatives.
En Europe, par exemple, le plan « REPowerEU » a pour but d’accélérer la transition écologique en favorisant les investissements massifs dans les énergies renouvelables. Selon les projections de l’IEEFA, la demande de gaz naturel devrait atteindre environ 150 milliards de mètres cubes en 2030, contre environ 175 milliards de mètres cubes en 2022. Cela signifie que le taux d’utilisation des terminaux GNL européens pourrait passer en dessous de 40%.
Pendant ce temps, un important « raz-de-marée » devrait se produire du côté de l’offre avec la mise en production de nombreux projets d’usines de GNL à partir de la mi-2025. En 2026, le record de la croissance de l’offre mondiale de GNL devrait être battu avec la mise en service de projets ayant une capacité totale de 64 millions de tonnes par an. Cela représente une croissance des capacités de liquéfaction supérieure à celle des cinq années précédentes réunies !