Vincent Berger a jugé « trop ambitieuse » la stratégie énergétique de la France, pour atteindre les objectifs de Fit For 55.
La demande d'électricité 2024 est 12,7% inférieure à celle pré-covid.

Le 3 mars, le haut-commissaire à l’énergie atomique a jugé « trop ambitieuse » la stratégie énergétique de la France, pointant du doigt les objectifs de Fit For 55 et un risque de surproduction d’électricité.

Une surconsommation « pénalisante pour le consommateur »

Dans un rapport adressé à Matignon le lundi 3 mars, le haut-commissaire à l’énergie atomique, Vincent Berger, ne s’est pas montré tendre avec la stratégie française de décarbonation. Dans le cadre de l’objectif européen Fit For 55 dont le but est une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, la France a misé sur l’électrification des usages et le développement de énergies renouvelables, notamment le solaire.

Or, pour Vincent Berger, « cette complémentarité repose toutefois sur un équilibre délicat à optimiser ». Les futurs réacteurs EPR2 promis par le président Macron sont attendus au plus tôt en 2035. De fait, le solaire doit jouer son rôle en passant des 19 TWh produits en 2022 à 93 TWh en 2035. L’écueil se trouve dans la demande d’électricité qui, bien que supérieure en 2024 par rapport à 2023 (449 TWh consommés l’an dernier selon RTE), reste inférieure de 12,7% à a période pré-covid. Pourtant, la France mise sur une demande de 508 TWh en 2035, pour une production située entre 640 et 692 TWh (selon les simulations). « La stratégie volontariste de l’offre fait peser un risque de surproduction, si les possibilités d’exportation ne sont pas au rendez-vous », met en garde le haut-commissaire qui précise que cette surcapacité serait « très pénalisante pour le consommateur ou pour le contribuable », dans la mesure où ils paieraient deux fois les centrales électriques du pays – le renouvelable d’un côté, le nouveau nucléaire de l’autre -, alors que le prix de l’énergie est déjà un sujet très sensible.

31%

Soit la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en France, en 2023 par rapport à 1990.

Le développement du photovoltaïque en suspens

La solution serait de réduire la voilure du photovoltaïque, selon le haut-commissaire : « la croissance du photovoltaïque devrait être revue à la baisse dans la programmation pluriannuelle de l’énergie ». Vision partagée par EDF et Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’Energie qui souhaite limiter les aides et les objectifs liés au développement du solaire. Ainsi, en cas de surproduction électrique, les énergies doivent « s’effacer davantage (…) sinon,  à certains moments le parc pilotable [nucléaire essentiellement, NDLR] devrait être totalement éteint en 2035 », prévient Vincent Berger. Actuellement, le nucléaire s’efface déjà durant les pics solaires pour éviter les prix négatifs sur le marché de gros. En 2024, EDF a modulé 30 TWh de nucléaire, face aux renouvelables ou pour maximiser la valeur de sa production.

Les objectifs européens inadaptés à la France

La feuille de route du programme pluriannuel de l’énergie 3 (PPE 3) sera dévoilé par le gouvernement fin mars, selon Bercy.

Bien que la France ait réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 31% en 2023, par rapport à 1990, selon l’Insee, Vincent Berger conclut que les objectifs de Fit For 55 ne seront pas atteints. Il s’est montré plus radical que d’autres instances publiques qui s’étaient contentées d’émettre des réserves sur cette stratégie en en signalant les « incohérences » et les « insuffisances ».

Giovanni Djossou, journaliste spécialisé
Giovanni Djossou
Journaliste spécialisé

Titulaire d’un Master II en journalisme, Giovanni DJOSSOU a œuvré en tant que journaliste pigiste, en presse écrite, auprès de différents journaux et magazines.
Intéressé par les questions liées à l’énergie, il a la charge de la rédaction d’articles et de brèves pour Opéra Energie.