Pétrole : l’Arabie saoudite n’augmentera pas sa capacité de production
L’Arabie saoudite renonce à augmenter sa capacité de production quotidienne. Un effet de la transition énergétique mondiale ?
Chute des bénéfices de 23%
Le projet avait été lancé par la monarchie du Golfe en 2021 et prévoyait une extension des capacités de production de 12 millions à 13 millions de barils par jour, d’ici 2027. Rien d’étonnant dans ce renoncement car, depuis près de 18 mois (octobre 2022), Ryad a opté pour une stratégie d’assèchement du marché pour maintenir ses cours élevés. Au printemps dernier, Aramco, la compagnie pétrolière publique du pays, a réduit à plusieurs reprises sa production journalière. Aujourd’hui, le pays, loin de produire à sa capacité maximum, tourne à 9 millions de barils par jour.
Si la reprise post-covid et le conflit en Ukraine avaient joué en faveur de l’Arabie saoudite, générant des profits records, les choses ont bien changé depuis. L’année passée, la baisse des cours a entraîné une chute des bénéfices d’Aramco de 23% au 3e trimestre, à 32,58 milliards de dollars contre 42,43 milliards de dollars à la même période, en 2022.
Face à ces résultats, Aramco décide début 2024 de ne plus contracter sa production et de baisser ses prix, comme nous vous le signifions dans nos colonnes, le 9 janvier.
L’Arabie saoudite face à la transition énergétique
Si le royaume met son projet sous le tapis, c’est possiblement parce que le pays sent le vent tourner et dans une ère de décarbonation mondiale, Ryad se questionne sur le niveau futur de la demande, comme le précise Jamie Ingram, éditorialiste au Middle East Economic Survey : « [cette décision] suggère que Ryad n’est pas très confiant que le monde aura besoin d’une telle capacité supplémentaire, et que l’investissement nécessaire pour atteindre et maintenir les 13 mbj serait mieux dépensé ailleurs ».
Et c’est bien à la transition énergétique que le royaume du Golfe doit faire face. Aramco, fleuron de l’économie du plus grand exportateur de brut au monde, a pour objectif d’utiliser les recettes de ses activités pour préparer l’après-pétrole du pays.
L’annonce, en 2021, de l’accroissement de sa capacité de production s’est effectuée conjointement avec l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2060. Un mélange des genres qui fut accueilli avec scepticisme par les défenseurs de l’environnement.
Ce scepticisme s’est confirmé en décembre dernier, lors de la COP 28, où l’Arabie saoudite s’est battue bec et ongles pour que les termes « réduction » et « élimination » des énergies fossiles n’apparaissent pas dans le texte final de la conférence. Il y eu, malgré tout, un accord sur l’abandon progressif des fossiles, ce à quoi, le ministre de l’Energie saoudien, Abdulaziz Bin Salman a répondu avec véhémence : « [l’accord n’aura] aucun impact sur les exportations saoudiennes. (…) Il n’impose rien aux pays producteurs et leur permet de réduire leurs émissions en fonction de leurs moyens et de leurs intérêts ».
Aujourd’hui, l’Arabie saoudite est à la croisée des chemins, comme les autres nations de la région dont l’économie repose sur l’or noir. Dans une recherche d’adaptation aux nouveaux paradigmes, les stratégies contradictoires se font jour et les dissensions se multiplient au sein de l’OPEP+.