Avec les Contrats d’accès à la production nucléaire (CAPN), EDF entend proposer aux industriels électro-intensifs une électricité à prix directement indexée sur les coûts de production. Pensé d’abord pour les grands consommateurs, ce dispositif pourrait bientôt s’ouvrir aux fournisseurs alternatifs. À ce jour, quatre contrats fermes et onze lettres d’intention ont déjà été signés, représentant près de 16 TWh d’électricité nucléaire, selon la SFEN (Société Française d’Energie Nucléaire). Une première pierre posée dans la refondation du modèle français d’accès à l’énergie, à quelques mois seulement de la disparition officielle de l’Arenh, prévue le 31 décembre 2025.
CAPN : définition et objectifs
Alternative au Versement Nucléaire Universel (VNU), les Contrats d’Allocation de Production Nucléaire (CAPN) constituent l’un des nouveaux piliers de la stratégie énergétique française. Imaginés par EDF et soutenus par l’État, ces contrats visent à offrir aux industriels électro-intensifs, un accès direct à une partie de la production nucléaire française. Et ce, à un prix stable et sur le long terme.
CAPN : quels sont les objectifs de ces contrats ?
Ces contrats devraient s’étendre sur 10 à 15 ans. Ils permettent aux partenaires d’EDF d’accéder à une quote-part réelle de la production nucléaire, plutôt qu’à une simple fourniture d’énergie à prix régulé.
En échange, les acteurs qui s’engagent acceptent donc de partager les risques d’exploitation et les coûts liés à la maintenance ou aux arrêts de réacteurs. En contrepartie, ils bénéficient d’une visibilité de long terme, précieuse pour les investissements industriels.
À qui s’adressent les CAPN ?
Selon la présentation officielle d’EDF publiée à l’été 2025, les CAPN permettront d’allouer une partie de la production du parc nucléaire historique (soit environ 1 800 MW, l’équivalent de 10 TWh/an) à des entreprises répondant à des critères précis :
- consommation annuelle supérieure à 7 GWh ;
- capacité d’enlèvement physique en France ;
- participation aux coûts et aux aléas de la production.
CAPN : à quels enjeux répondent ces nouveaux contrats ?
L’enjeu est clair : garantir une électricité bas carbone, compétitive et prévisible, tout en évitant les effets de volatilité extrême observés sur les marchés de gros depuis la crise énergétique de 2022.
La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) et l’Autorité de la Concurrence (ADLC) ont toutefois rappelé dans un courrier conjoint au gouvernement que ces contrats devront être attribués dans des conditions transparentes et non discriminatoires. EDF, acteur historique, ne doit pas tirer parti de cette mesure pour restreindre la concurrence sur le marché de la fourniture d’électricité. Ces garde-fous visent à préserver un équilibre entre ouverture du marché et sécurisation des approvisionnements.
Du dispositif ARENH au CAPN : un changement de paradigme
Le CAPN, héritage de l’ARENH
Le dispositif s’inscrit dans un contexte de transition : l’actuel système ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique), instauré en 2011, prendra fin au 31 décembre 2025. Pour continuer de sécuriser l’approvisionnement énergétique des grands industriels, le CAPN a été conçu comme un modèle de partenariat de long terme.
Pour comprendre la portée du CAPN, il faut ainsi revenir sur l’ARENH. Créé dans le cadre de la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité) en 2010, ce dispositif permettait aux fournisseurs alternatifs, les concurrents d’EDF, d’acheter jusqu’à 100 TWh d’électricité nucléaire produite par EDF à un prix régulé de 42 €/MWh. L’objectif était double : assurer une concurrence équitable sur le marché français de l’électricité, tout en garantissant à EDF une juste rémunération.
Or, si le système a favorisé l’émergence d’acteurs alternatifs, il a aussi montré ses limites : volume plafonné, absence de flexibilité contractuelle et déséquilibres lorsque la demande dépassait le seuil des 100 TWh. De plus, le prix fixe, inchangé pendant plus de dix ans, ne reflétait plus vraiment la réalité économique du parc nucléaire, ni les coûts d’investissement nécessaires à sa modernisation. C’est donc pour corriger ces biais que le CAPN a été imaginé. Ce dispositif se révèle plus flexible, plus proche des logiques de marché.
Les différences entre CAPN et ARENH
Là où l’ARENH reposait sur une obligation imposée à EDF, les CAPN se fondent sur la liberté contractuelle : chaque contrat est négocié individuellement entre EDF et le consommateur. Le prix n’est plus fixé par décret, mais par accord bilatéral, généralement autour de 65 à 70 €/MWh. Cette relation de marché semble mieux adaptée aux enjeux actuels de compétitivité et de transition énergétique
Les CAPN instaurent également une répartition nouvelle des risques : EDF ne porte plus seule la charge des aléas de production. Les signataires participent aux coûts de maintenance, d’investissement et de sûreté. En retour, ils bénéficient d’un approvisionnement stable, indépendant des fluctuations quotidiennes des marchés.
En résumé, le CAPN se distingue par trois grands principes :
- une durée longue (10 à 15 ans), permettant une planification industrielle ;
- un prix contractuel reflétant les coûts réels de production nucléaire ;
- une participation financière et technique des consommateurs aux risques du parc.
Tableau comparatif entre le CAPN et l’ARENH
| ARENH | CAPN | |
| Période | 2011 – 2025 | À partir de 2026 |
| Type de contrat | Accès régulé et obligatoire | Contrats bilatéraux volontaires |
| Prix | Fixé par l’État (42 €/MWh) | Négocié (env. 65–70 €/MWh) |
| Durée | 1 an, renouvelable | 10 à 15 ans |
| Risques supportés | Principalement EDF | Partagés entre EDF et les clients |
| Objectif | Favoriser la concurrence | Stabiliser les prix et sécuriser l’approvisionnement |
Des premiers contrats CAPN signés
Qui bénéficie des contrats CAPN en 2025 ?
Depuis le lancement du dispositif CAPN, plusieurs entreprises industrielles ont manifesté leur intérêt pour ces nouveaux contrats. D’après les informations publiées par EDF, 14 lettres d’intention ont été déposées, représentant environ 16 TWh/an de demande potentielle. Deux de ces intentions ont d’ores et déjà abouti à des contrats fermes, représentant environ 0,3 TWh/an de fourniture.
Parmi les premiers signataires figurent Arkema, Kem One ou Data4, ont également signé des protocoles d’accord préfigurant de futurs CAPN. Ces démarches traduisent un intérêt réel du tissu industriel français pour des contrats stables, bas carbone et alignés sur les objectifs climatiques.
De même, Aluminium Dunkerque a conclu en 2025 un contrat de dix ans avec EDF. Bien qu’il ne relève pas formellement du cadre CAPN, ce partenariat s’en inspire largement : il repose sur un prix négocié, une durée longue et un mécanisme de partage des bénéfices et risques. L’industriel a versé une avance financière significative à EDF, preuve de son engagement sur le long terme.
Pour EDF, ces premiers accords constituent une étape cruciale : ils valident la faisabilité du modèle, tout en servant de base à de futures négociations. L’électricien espère porter rapidement le volume de contrats CAPN à 10 TWh/an, avant d’atteindre à terme 40 TWh, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’un quart de l’industrie française.
CAPN : des négociations encore complexes
Malgré ces débuts encourageants, la mise en place du dispositif se heurte néanmoins à plusieurs difficultés. En effet, les discussions entre EDF et les grands industriels restent complexes, notamment sur la question du prix. Beaucoup de groupes estiment que la fourchette actuelle de 65 à 70 €/MWh demeure trop élevée pour préserver leur compétitivité internationale.
L’AFIEG (Association française indépendante de l’électricité et du gaz) a également mis en garde contre un dispositif “réservé à une minorité d’acteurs capables d’assumer les risques”, soulignant que nombre d’entreprises plus petites resteront tributaires des prix de marché.
Enfin, certains observateurs pointent la complexité juridique du CAPN : ces contrats hybrides, à mi-chemin entre un accord commercial et un engagement industriel, nécessitent un encadrement précis. La CRE et l’Autorité de la Concurrence demandent d’ailleurs à l’État d’assurer un suivi attentif, pour éviter tout déséquilibre concurrentiel.
Le dispositif est encore jeune, et son succès dépendra de sa capacité à concilier compétitivité et équité. Mais s’il parvient à s’imposer, il pourrait devenir un modèle de référence en Europe, au service d’une électricité bas carbone, stable et souveraine.
CAPN : d’autres possibilités permettent aux industriels de mieux maitriser leur budget énergétique
Les entreprises industrielles ont d’autres possibilités pour réduire leurs dépenses énergétiques et optimiser leurs contrats d’énergie. Parmi les leviers d’actions, on retrouve notamment :
- L’optimisation du TURPE ;
- L’optimisation de l’accise sur l’électricité ou de l’accise sur le gaz ;
- La mise en concurrence des offres d’énergie ;
- La flexibilité électrique.
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Diplômée d’un Master 2 du CELSA-Paris Sorbonne, Caroline s’est lancée comme rédactrice et chargée de communication éditoriale indépendante en 2017. Intéressée par les problématiques liées à la transition énergétique et à la mobilité, elle travaille avec Opéra Énergie depuis 2019.
Experte sur les problématiques liées à l'énergie et la rénovation énergétique, elle ambitionne à travers ses articles de faire de la pédagogie sur le marché du gaz et de l’électricité, en constante évolution.