La décarbonation de l’industrie fait partie des piliers du plan France Relance. Celle-ci passe notamment par des stratégies de récupération de la chaleur fatale. La chaleur fatale représente l’énergie générée par un processus de production visant d’autres fins. Elle peut être récupérée pour devenir une source énergétique. Comment ? Quels sont les enjeux pour les industries ? Comment financer des travaux pour valoriser la chaleur de récupération ?

Chaleur fatale : définition

Selon la définition du Ministère de la Transition écologique, la chaleur fatale est la « chaleur générée par un procédé dont l’objectif premier n’est pas la production d’énergie, et qui de ce fait n’est pas nécessairement récupérée ». Elle représente une émission de chaleur induite par un processus de production de manière inévitable. Par exemple, certains processus émettent de la vapeur d’eau qui est rejetée dans l’atmosphère. De manière concrète, elle peut prendre un aspect :

  • gazeux (vapeur d’eau, air conditionné, fumées, etc.),
  • liquide (eaux de refroidissement),
  • diffus (chaleur distribuée par rayonnement).

Cette chaleur fatale est souvent perdue. Toutefois, dans le cadre de la transition énergétique, on peut aussi choisir de la valoriser afin de chauffer certains lieux. On parle alors de chaleur de récupération.

D’où provient la chaleur fatale ?

La chaleur fatale est un phénomène fréquent. Elle peut résulter :

  • D’une production d’électricité dans une centrale thermique ;
  • D’une production de froid ;
  • D’un appareil de chauffage ;
  • D’un processus de traitement de déchets ou de matières organiques ;
  • De l’utilisation de datacenters, etc.

Les gisements de chaleur fatale selon l’Ademe

Les gisements de chaleur fatales pourraient alimenter sont très importants en France. D’après l’Ademe, en la valorisant, on pourrait alimenter l’équivalent 1,66 millions de logements. Le potentiel de chaleur fatal de la France est de :

  • 109,5 TWh pour l’industrie, « soit 36 % de sa consommation de combustibles dont 52,9 TWh sont perdus à plus de 100°C » précise l’Ademe.
  • 8,4 TWh de chaleur provenant des Unité d’Incinération d’Ordures Ménagères (UIOM), Stations d’épuration et Data Center.
  • 16,7 TWh de chaleur fatale à plus de 60°C au niveau des réseaux de chaleur existants.

Récupération de chaleur fatale : quels avantages ?

1. Diminuer ses factures énergétiques

La valorisation de chaleur fatale permet de diminuer les achats d’énergies fossiles tout en engageant une stratégie de décarbonation. C’est un moyen pour l’entreprise de réduire ses dépenses en énergie et de gagner ainsi en compétitivité.

2. Générer de nouveaux revenus

La mise en place d’un système de récupération de chaleur fatale peut servir à générer de nouveaux revenus. En effet, l’industrie peut la réinjecter sur un réseau externe et alimenter ainsi des logements et entreprises voisines. Notamment, elle est très utile pour mettre en place des réseaux de chaleur et servir de chauffage collectif en copropriété. Comme le rappelle le Céréma « Présents dans les zones urbaines denses, les réseaux sont alimentés aujourd’hui à 60% par des énergies renouvelables et de récupération. »

3. Réduire son empreinte carbone

La valorisation de chaleur fatale en industrie permet de limiter le recours aux énergies fossiles. De ce fait, elle peut réduire son empreinte carbone en diminuant ses émissions de CO2. Cet engagement dans la transition énergétique permet de répondre à des enjeux RSE. Cela peut être mis en avant auprès des salariés, consommateurs et investisseurs pour améliorer l’image de marque de l’entreprise.

Comment récupérer la chaleur fatale ?

Comme l’explique le fournisseur Engie « La chaleur peut être récupérée à partir d’une vingtaine de degrés et peut s’élever jusqu’à 150 degrés et plus. Une fois récupérée, la chaleur peut être réinjectée dans un autre process, sous forme de vapeur (souvent pour les usages industriels) ou sous forme d’eau chaude, notamment pour les réseaux de chaleur. »

Les technologies de récupération reprennent le principe de fonctionnement de la pompe à chaleur. Les calories « chaudes » vont passer par un échangeur thermique afin d’aller chauffer un circuit d’eau ou d’être réinjectées dans un réseau de chaleur.

La fiche BAT-TH-127 permet d’obtenir toutes les informations sur le fonctionnement du raccordement d’un bâtiment à un réseau de chaleur.

Cette production de chaleur peut servir :

  • En interne. Elle permet alors de chauffer les locaux de l’entreprise ;
  • En externe. Elle passe dans un réseau de chaleur pour alimenter les bâtiments aux alentours.

La récupération de la chaleur fatale : un enjeu pour les industries

La récupération de la chaleur fatale fait partie des stratégies de décarbonation de l’industrie. Selon l’Ademe, « L’industrie présente un potentiel de chaleur fatale de 109,5 TWh, soit 36 % de sa consommation de combustibles, dont 52,9 TWh sont perdus à plus de 100°C ».

Outre l’amélioration du bilan carbone d’un site industriel, elle permet de réduire la facture énergétique. De plus, elle peut entrer dans un plan d’action visant à obtenir la norme ISO 50001.

Réduire le TURPE avec la norme ISO 50001

Obtenir la certification ISO 50001 permet industries électro-intensives de profiter d’une réduction du TURPE. Pour rappel, le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité) correspond aux tarifs d’acheminement de l’électricité sur le réseau. Il peut constituer parfois presque 40% de la facture d’électricité d’une industrie.

Quelles aides pour la récupération de la chaleur fatale dans l’industrie ?

C’est pourquoi, de plus en plus d’industries s’y intéressent. Les pouvoirs publics l’ont bien compris. Pour engager les entreprises à se lancer dans des programmes de valorisation de la chaleur de récupération, ils ont mis en place des programmes d’aides.

Le fonds chaleur de l’Ademe

Le Fonds Chaleur de l’Ademe s’adresse aux industries. Dans le cadre du plan de relance, il a été doté d’une enveloppe de près de 1 milliard d’euros sur la période 2020-2022.

Ce programme vise à atteindre 38% de chaleur renouvelable à horizon 2030. Il permet donc de financer des opérations de récupération de chaleur fatale. Pour en bénéficier, les industries doivent monter un dossier auprès de l’Ademe.

Le contrat de performance énergétique (CPE) de l’industrie

Le contrat de performance énergétique (CPE) est un contrat passé entre un industriel et un opérateur énergétique. Il peut s’agir d’un fournisseur d’énergie. Ce contrat permet de fixer des objectifs d’économies d’énergie. Il inclut :

Si les économies d’énergie promises ne sont pas au rendez-vous, c’est l’opérateur CPE qui prend en charge les pénalités.

Les CEE

Les Certificats d’Economies d’Energie (CEE) sont un dispositif mis en place dans le cadre de la Loi POPE. Ce mécanisme impose aux fournisseurs d’énergie et aux vendeurs de carburants d’engager des actions en faveur des économies d’énergie.

Pour cela, ils peuvent notamment financer des travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique en entreprise. Les industries sont également éligibles aux primes énergies.

La récupération de la chaleur fatale peut être valorisée au travers d’opération de CEE de l’industrie.

Récupération de chaleur : le cas particulier des datacenters

Aujourd’hui, les centres de stockage informatique, les datacenters constituent 30% de la consommation d’électricité liée au secteur numérique. Ces datacenters peuvent bénéficier d’un taux réduit de CSPE (Contribution au service public de l’électricité). Cela est possible, entre autres, s’ils mettent en place des actions en faveur de l’environnement.

Pour eux, il peut être intéressant de s’intéresser à la récupération de chaleur perdue. La chaleur produite par ces installations informatiques peut en effet être valorisée comme énergie de chauffage.

Quid des collectivités locales ?

Les collectivités locales peuvent également mettre en place des actions pour valoriser les chaleurs produites par le traitement des eaux usées ou l’incinération des déchets. Comme le signale l’AMORCE « La chaleur fatale est une ressource qui doit s’intégrer dans les documents de planification énergétique et d’aménagement du territoire. »

Caroline Dusanter
Caroline Dusanter

Diplômée d’un Master 2 du CELSA-Paris Sorbonne, Caroline s’est lancée comme rédactrice et chargée de communication éditoriale indépendante en 2017. Intéressée par les problématiques liées à la transition énergétique et à la mobilité, elle travaille avec Opéra Énergie depuis 2019.

Experte sur les problématiques liées à l'énergie et la rénovation énergétique, elle ambitionne à travers ses articles de faire de la pédagogie sur le marché du gaz et de l’électricité, en constante évolution.