Au 1er janvier 2026, le Versement nucléaire universel (VNU) remplace l’ARENH (Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique). Ce changement fera évoluer les prix de l’électricité en France. Quels sont les modalités de fonctionnement du VNU ? Quels enjeux pour les entreprises ? A quoi s’attendre en 2026 ? Réponses dans cet article.
De l’ARENH au VNU : un changement de philosophie
Le 31 décembre 2025 marquera la fin d’un dispositif qui aura structuré le marché français de l’électricité pendant quinze ans. A cette date, l’ARENH, mis en place dans le cadre de la loi NOME en 2010, disparaît.
Conçu pour garantir l’accès à une électricité nucléaire compétitive, ce mécanisme laisse place au Versement nucléaire universel (VNU), un nouveau système au fonctionnement radicalement différent.
Objectif : faire bénéficier l’ensemble des consommateurs des performances économiques du parc nucléaire, tout en alignant EDF sur les prix de marché.
L’ARENH reposait sur un principe simple : permettre aux fournisseurs alternatifs d’acheter un volume fixe d’électricité nucléaire à un prix régulé (42 €/MWh). Cette approche offrait de la stabilité, mais elle ne reflétait plus les conditions réelles du marché. Le VNU, lui, rompt avec cette logique. EDF vend désormais son électricité nucléaire au prix du marché, mais une partie des revenus excédentaires sera prélevée par l’État. Ce prélèvement, redistribué ensuite sous forme de baisse de facture, doit assurer une équité entre producteurs et consommateurs.
Comment fonctionne le Versement nucléaire universel ?
Le VNU repose sur un mécanisme de prélèvement progressif :
- En dessous de 78 €/MWh, EDF conserve la totalité de ses revenus.
- Entre 78 et 110 €/MWh, 50 % des revenus supplémentaires sont captés par l’État.
- Au-delà de 110 €/MWh, la part prélevée atteint 90 %.
Ces paramètres restent à confirmer par décret, mais ils traduisent une volonté de lisser les effets des prix de marché extrêmes. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) assurera le suivi et la transparence du dispositif en publiant régulièrement ses estimations de revenus issus du nucléaire.
Quel montant du VNU en 2026 ?
D’après les prévisions publiées par la CRE le 30 septembre 2025, les revenus 2026 issus du parc nucléaire historique s’élèveraient à 23,7 milliards d’euros, pour une production estimée à 360 TWh, soit 65,86 €/MWh. Ce chiffre reste en dessous du seuil de 78 €/MWh : aucun prélèvement ne serait donc déclenché en 2026.
Autrement dit, aucune redistribution via le VNU n’apparaîtrait sur les factures pour cette première année d’application.
Zoom sur la méthodologie de calcul du VNU par la CRE
Pour comprendre la logique du calcul des revenus nucléaires, il faut d’abord distinguer deux temporalités : ce qu’EDF sait déjà et ce que la CRE doit encore anticiper. L’entreprise dispose d’une vision précise de ses ventes déjà conclues, tandis que la Commission doit, elle, projeter ce que rapportera le reste de la production sur les mois à venir.
Une photographie encore incomplète
Au moment où la CRE réalise ses estimations, une partie des revenus du nucléaire est déjà assurée via les contrats existants. Mais une large portion reste à construire : ni les volumes produits ni les prix futurs ne sont définitivement connus. Le résultat final n’apparaît donc qu’une fois l’électricité effectivement livrée. Les prévisions reposent sur une image instantanée, forcément partielle, de la réalité économique du parc.
Une modélisation fondée sur des scénarios
Pour combler cette incertitude, la CRE élabore des modèles de projection intégrant plusieurs scénarios : évolution de la production, des prix de gros, et des conditions de marché. Ces scénarios permettent de simuler la performance financière du parc nucléaire dans différents contextes, du plus stable au plus tendu.
Les quatre briques du calcul
Le revenu estimé combine quatre composantes :
- Les recettes déjà enregistrées dans la comptabilité d’EDF ;
- Les revenus à venir issus des contrats de long terme ;
- Les gains potentiels liés à la production encore non vendue, évaluée selon les hypothèses de prix futurs ;
- La valeur de la flexibilité opérationnelle du parc, c’est-à-dire sa capacité à s’adapter aux variations de la demande et à tirer parti des périodes de prix élevés.
Un cadre évolutif
La méthodologie de la CRE n’est pas figée : elle a vocation à s’ajuster en fonction du retour d’expérience, de la maturité du dispositif VNU et des nouvelles dynamiques de marché. L’enjeu est de garantir une lecture aussi objective et actualisée que possible de la contribution économique du nucléaire français.
VNU : protection ou danger pour le consommateur ?
Dans les faits, cette régulation « post-ARENH » ne semble pas protéger les entreprises françaises ou les ménages. Un rapport d’information présenté le 9 octobre 2025 à l’Assemblée nationale souligne que la réforme pourrait fragiliser davantage les consommateurs.
« Les premiers éléments de bilan de cette réforme montrent que celle-ci a pour conséquence d’exposer davantage les consommateurs au marché », a fait savoir la mission d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, consacrée au prix de l’électricité, à la compétitivité des entreprises et à l’action de l’État.
Les députés Philippe Bolo (MoDem) et Maxime Laisney (LFI), auteurs du rapport, évoquent un déséquilibre profond. EDF doit à la fois financer le renouvellement de son parc nucléaire et contribuer à la stabilité des prix de l’électricité. Les seuils de taxation du VNU, fixés à un niveau élevé, ne permettent pas une protection efficace. En pratique, les consommateurs ne profiteraient d’une redistribution qu’en cas de flambée des prix, sans réelle atténuation face à la volatilité du marché.
« D’une certaine manière, on organise l’opposition entre EDF et les Français, puisque EDF a intérêt à ce que les prix de marché grimpent pour faire des profits, tandis qu’évidemment les consommateurs n’(y) ont aucun intérêt, puisque les seuils de taxation vont être placés très haut », explique le député Maxime Laisney.
Les rapporteurs dénoncent aussi la complexité du dispositif prévu, encore encadré par des textes incomplets. Pour le moment, il y peu de visibilité.
VNU un marché plus volatil pour les entreprises : quels risques pour la facture ?
Pour les entreprises, la fin de l’ARENH signifie la fin d’un prix plancher prévisible sur une partie de leur électricité. Le mécanisme du VNU expose davantage les contrats professionnels aux mouvements du marché de gros. Cette évolution exige de repenser les stratégies d’achat et de couverture, afin de maintenir la maîtrise des coûts dans un contexte plus incertain. Elle aura un impact sur leur facture d’électricité.
Les clients professionnels doivent désormais suivre de près les publications de la CRE et intégrer le VNU dans leurs modèles budgétaires. Pour les accompagner, les courtiers en énergie, comme Opéra Energie, ont un rôle clé : décrypter la réglementation, anticiper les effets de seuils et proposer des solutions contractuelles adaptées.
Diplômée d’un Master 2 du CELSA-Paris Sorbonne, Caroline s’est lancée comme rédactrice et chargée de communication éditoriale indépendante en 2017. Intéressée par les problématiques liées à la transition énergétique et à la mobilité, elle travaille avec Opéra Énergie depuis 2019.
Experte sur les problématiques liées à l'énergie et la rénovation énergétique, elle ambitionne à travers ses articles de faire de la pédagogie sur le marché du gaz et de l’électricité, en constante évolution.