Lors de la préparation d’un marché public d’électricité, la rédaction des clauses de prix qui seront intégrées dans la consultation est sans doute le point le plus délicat. De ces clauses de prix vont en effet dépendre la performance économique du marché et sa sécurisation juridique. Il s’agit également de la partie la plus technique car elle impose une bonne maîtrise du fonctionnement du marché de l’électricité et de sa réglementation. Opéra Énergie fait le point sur les différents éléments à prendre en compte.

Les composantes de la facture d’électricité

La facture d’électricité payée par l’ensemble des consommateurs se décompose en 3 parties :

L’énergie

Il s’agit du coût de l’électricité proprement dite. Il dépend du coût d‘approvisionnement de chaque fournisseur d’électricité : il correspond au coût d’achat de l’électricité mais intègre également les coûts réglementaires (CEE, marché de capacité) ainsi que les coûts de commercialisation et la marge de chaque fournisseur.

  • Varie selon les fournisseurs
  • Représente entre 40 et 50% du prix total

L’acheminement

C’est le coût pour acheminer l’électricité des points de production aux sites de consommation via les réseaux publics d’électricité. Le réseau de transport (géré par RTE) et les réseaux de distribution (gérés par Enedis et les entreprises locales de distribution). Le coût d’acheminement est fixé selon un tarif public fixé par la CRE, le TURPE. La recette du TURPE est reversée aux gestionnaires de réseaux.

  • Identique quel que soit le fournisseur
  • Représente entre 20 à 30% du prix total

Les taxes

Jusqu’à 4 taxes et contributions spécifiques s’appliquent à l’électricité (accise sur l’électricité, CTA, taxes locales) ; taxes auxquelles il faut rajouter la TVA. Elles sont reversées à l’État, aux collectivités locales et à la caisse de retraite des salariés des acteurs historiques de l’énergie.

  • Identiques quel que soit le fournisseur
  • Représente entre 40 à 50% du prix total (TVA incluse)

Puisque les taxes comme l’acheminement sont identiques quel que soit le fournisseur d’énergie, il est d’usage, dans les marchés publics d’achat d’électricité, de ne faire porter la mise en concurrence que sur le prix de l’énergie. En d’autres termes, on demandera aux différents fournisseurs consultés de remettre un prix sur la partie énergie, et c’est ce prix énergie qui servira à la notation des fournisseurs consultés.

Une baisse de la CSPE en 2022

Du fait de la flambée des prix de l’énergie en 2021 et 2022, les autorités publiques ont décidé de faire passer le taux de CSPE à :

  • 0,5 € / MWh pour les structures avec des compteurs d’une puissance supérieure à 36 kVA ;
  • 1 € / MWh pour les petits organismes publics, privés et la particuliers avec un compteur d’une puissance inférieure ou égale à 36 kVA.

Cette baisse intervient du 1er février 2022 au 1er février 2023. Il est difficile de prévoir comment évoluera la CSPE dès 2023.

Les composantes du prix énergie

Dans le CCP (Cahier des Clauses Particulières), il est important de préciser ce qui est compris dans les prix unitaires (en €/MWh) de la fourniture d’énergie figurant dans le BPU (Bordereau des Prix Unitaires).

Les différentes composantes du prix énergie sont les suivantes :

  • Le coût unitaire de la fourniture d’énergie ;
  • Les coûts de responsable d’équilibre incluant le coût proportionnel au soutirage physique des responsables d’équilibre ;
  • Le coût des Certificats d’Economies d’Energie (CEE) : coûts unitaires du fournisseur liés aux obligations d’économies d’énergies visées dans les articles L.221-1 et suivant le Code de l’énergie, ainsi que les coûts des obligations d’économies d’énergies spécifiques au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique ;
  • Le coût du marché de capacité ;
  • Le cas échéant, les surcoûts liés au caractère renouvelable de l’énergie (électricité verte) ;
  • Le cas échéant, les coûts de certains services de gestion.

Selon les marchés, il est possible de spécifier dans le BPU un prix incluant l’ensemble de ces composantes ou alors de demander de spécifier le prix de chacune des composantes. Quoi qu’il en soit, les clauses du CCP doivent être suffisamment précises pour que les prix remis par chaque fournisseur incluent chacun les mêmes composantes.

Structure des prix énergie

Généralement, les prix unitaires du BPU ont la structure suivante :

  • Un terme fixe ou abonnement, en €HT par an et par site, qui correspond aux coûts fixes de fourniture
  • Une part variable, en €HT par MWh consommés. Il est préférable de spécifier des prix par poste horosaisonnier et par année civile. Il convient donc de distinguer des prix selon les différents segments du tarif d’acheminement.

En l’état actuel du tarif d’acheminement (TURPE 6), les postes horosaisonniers sont les suivants :

Segment ENEDISNombre de postesHorosaisons du TURPE
C1 – C2 – C35 prix horosaisonniersPTE Mobile, HPSH, HCSH, HPSB, HCSB
PTE, HPSH, HCSH, HPSB, HCSB
C44 prix horosaisonniersHPSH, HCSH, HPSB, HCSB
C51, 2 ou 4 prix horosaisonniers,
Selon la structure de comptage et selon que le site est un bâtiment ou un site en éclairage public
Base, HP/HC, HPH/HCH/HPB/HCB

Types de prix (modalités de fixation)

Les prix de l’énergie dépendent beaucoup des prix sur les marchés de gros de l’électricité (même en cas de choix d’une offre ARENH, voir point 5 ci-après). Le mode de fixation des prix est donc un point essentiel pour la compétitivité de la fourniture.

Selon le mode de fixation du prix, on distingue 3 types de prix :

Type de prixMéthode de fixationAvantageRisques
Prix fixeEn une fois le jour de l’attribution du marchéVisibilité, prévisibilité budgétaire
Simplicité
Risque de manque de compétitivité : le prix proposé dépend du niveau des cours de l’énergie au moment de l’attribution des marchés, ce qui ne garantit pas nécessairement un achat « optimal »
Prix indexé(ne sont pas visés ici les prix incluant de l’ARENH)Le prix varie selon un indice qui varie par période, généralement mensuelle ou trimestrielle Très peu utilisé en électricité du fait notamment des méthodes de sourcing des fournisseurs
Pas de visibilité budgétaire
Prix « clic »En plusieurs fois :Après la signature du contrat
Avant le début de fourniture
Lissage du risque
Choix de la date de fixation pour optimiser les prix
Pas de visibilité budgétaire
Risque d’évolution du prix à la hausse

Prix ARENH/Prix marché

Le dispositif ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Hydraulique)

Afin de permettre à tous les consommateurs de bénéficier de la rente du parc nucléaire français historique, l’Etat a mis en place un dispositif qui permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter de l’électricité nucléaire à EDF à un prix régulé. Les fournisseurs ont la possibilité de réserver un bandeau d’électricité, déterminé selon les profils de consommation de leurs clients (pendant certaines heures creuses et l’été) à hauteur d’un volume total pour l’ensemble des fournisseurs plafonné actuellement à 100 TWh/an.

La quantité d’ARENH dont peut bénéficier un consommateur dépend de son profil de consommation et plus précisément de sa consommation pendant les heures de basses consommations.

Le prix de l’ARENH doit refléter le coût économique des centrales historiques. Il est actuellement fixé par l’Etat à 42€/MWh. De plus, l’ARENH inclut la livraison des garanties de capacité.

De ce fait, selon le niveau des prix des marchés de l’électricité et des prix des enchères de capacité, choisir un approvisionnement ARENH peut permettre d’optimiser les prix de fourniture contractualisés. 

Aujourd’hui le prix ARENH est bien inférieur à celui des marchés de gros. Il est porté à 42 € le MWh contre parfois plus de 200 € sur les marchés européens.

Pour la compétitivité de la fourniture, un prix incluant de l’ARENH est à conseiller. Attention, toutefois, ça n’a pas toujours été le cas et il est tout à fait possible qu’un prix 100% marché redevienne plus compétitif qu’un prix incluant de l’ARENH. C’est peu probable sur le court terme.

En outre, le volume de l’ARENH est plafonné à 100 TWh, alors que la demande des fournisseurs alternatifs est bien supérieure. Dès lors, le volume d’ARENH attribué à chaque consommateur est réduit. On parle d’écrêtement des droits ARENH lorsque la quantité d’ARENH souhaitée par les fournisseurs est supérieure au plafond réglementaire disponible de 100 TWh. La situation s’est présentée pour la 1ère fois en 2018, pour la commande ARENH 2019, où le taux d’écrêtement a atteint 24,8 %.

En 2022 ce taux marque une nette augmentation, s’élevant aux alentours de 63 %. Cela conduit donc à une hausse mécanique du prix pour chaque consommateur. La demande d’ARENH 2022 a atteint 160 TWh.

Bon à savoir : le plafond de l’ARENH relevé en 2022

Pour faire face à l’augmentation des prix sur les marchés de gros, le gouvernement a relevé de 20 TWh le seuil de l’ARENH en 2022. Ces 20 TWh supplémentaires seront vendus 46,5 € / MWh.

Choisir entre Prix ARENH / Prix 100% marché

Il convient donc de prévoir dans les documents de consultation si l’approvisionnement sera 100% marché ou s’il inclura de l’ARENH.

AvantageInconvénient
Prix 100% marchéSimplicité
Visibilité budgétaire
Peu compétitif (dans les conditions de marché actuelles)
Prix incluant de l’ARENHPrix compétitif (dans les conditions de marché actuelles)Risque de variation à la hausse du prix
Moins de visibilité budgétaire
Plus complexe (rédaction du DCE, suivi des évolutions de prix)

Le swap ARENH

Lorsque on a choisi un prix ARENH, il est possible de prévoir dans le marché, sous certaines conditions, une clause dit de swap ARENH, qui permet de saisir une opportunité économique en cas de hausse des prix de marchés, entre la date de fixation des prix et la date de la commande ARENH.

Il s’agit de laisser la possibilité de souscrire à l’ARENH (Accès Réglementé à l’Electricité Nucléaire Historique) à chaque ouverture du guichet ARENH, lorsque le prix de ce produit est inférieur aux prix de gros de l’électricité (en prenant en compte le fait que l’ARENH inclut dans son prix la livraison de garanties de capacités). La bande ARENH achetée est ensuite revendue sur les marchés de gros. Dans ce cas, il faut définir comment les gains issus de la revente sont partagés entre le fournisseur et le consommateur, ainsi que les risques associés (en cas d’évolution réglementaire liée à l’ARENH, ou d’écart entre la consommation prévisionnelle et constatée). 

Variation du prix pendant le marché

Il est important de stipuler dans le marché une clause qui prévoit les cas de révision ou de variation de prix. Outre, le fait que certains types de prix sont révisables (voir points 4 et 5 ci-dessus), certains évènements réglementaires ou fiscaux peuvent avoir un impact sur le prix :

  • Les taxes et contributions
  • Les coûts d’acheminement
  • Les coûts des CEE selon les évolutions réglementaires de ce dispositif
  • Les coûts du marché de capacité selon les évolutions réglementaires de ce dispositif et des prix de marché de la capacité
  • Le dispositif ARENH (en cas d’offre ARENH)

En conclusion, la rédaction des clauses de prix dans les marchés d’achat d’électricité impose une vraie technicité pour faire des choix éclairés. La rédaction de ces clauses doit être précise pour éviter les incompréhensions ou une mauvaise interprétation des documents de marché par les fournisseurs. Opéra Energie est à votre disposition pour vous accompagner dans la rédaction de ces clauses , comme pour l’ensemble du dossier de consultation des entreprises (DCE).

Charlotte Martin
Responsable Communication

Sophie-Charlotte MARTIN, Conceptrice-Rédactrice spécialisée

Titulaire d'un master 2 en Lettres Classiques, complété d'un master 2 en Communication et d'un cycle web marketing à la CCI de Lyon, Sophie-Charlotte est intervenue sur des sujets aussi B2C que B2B, on et off line.

Régulièrement confrontée aux problématiques tertiaires et industrielles, elle s'est spécialisée en énergie. Aujourd'hui, elle garantit au quotidien la direction et la production éditoriale de l'entreprise. Sophie-Charlotte MARTIN est Responsable éditoriale d'Opéra Energie.