Avec la libéralisation des marchés de l’énergie en Europe, la création de places de marchés propres au gaz et le développement du gaz naturel liquéfié (GNL), le marché du gaz français a subi de profondes transformations depuis 30 ans, impactant directement le consommateur final. Comment s’organise le marché du gaz ? Quelles sont les offres disponibles pour les professionnels ? Comment évoluent les prix du gaz ?

Qui sont les différents acteurs du marché du gaz en France ?

Jusqu’à l’ouverture des marchés de l’énergie, les entreprises ne pouvaient que jouer sur leur volume de consommation pour réduire leur budget de gaz naturel. Aujourd’hui, la donne a changé, entre des prix volatiles, des évolutions réglementaires de plus en plus complexes, des fournisseurs de plus en plus nombreux… Optimiser ses achats d’énergie requiert connaissance et maitrise du marché et de ses mécanismes.

Pour bien comprendre le marché du gaz, il faut comprendre comment s’organise la chaîne gazière. Elle est structurée en plusieurs grandes étapes. A chaque étape correspond un type d’acteur.

Les producteurs de gaz

Les États qui possèdent les réserves de gaz et leurs entreprises nationales sont les principaux producteurs (Gazprom pour la Russie, Statoil pour la Norvège, Qatar Petroleum, …) mais d’autres grands énergéticiens possèdent des licences qui les autorisent à exploiter ces gisements. Par exemple, TotalEnergies et Engie pour les français.

Les gestionnaires du réseau gazier

Le réseau gazier permet d’alimenter en gaz l’ensemble du territoire français et se décompose en deux parties, le réseau de transport et le réseau de distribution.

  • La gestion du transport est assurée par deux entreprises, GRTgaz s’occupe du transport du gaz dans la moitié nord et le quart sud-est de la France et Téréga (ex-TIGF) dans le quart sud-ouest.
  • Gaz Réseau Distribution de France (GRDF) gère la distribution du gaz sur 96% du territoire français, le reste étant géré par des entreprises locales de distribution (ELD).

Les entreprises de stockage

Le stockage du gaz permet de sécuriser l’approvisionnement en gaz de la France. On distingue :

  • Le stockage aérien, dans les terminaux méthaniers, géré par Elengy ;
  • Le stockage souterrain, géré par Storengy (filiale d’Engie), Téréga et Géométhane.

Ces entreprises travaillent main dans la main avec les gestionnaires de réseau et les fournisseurs.

Les fournisseurs

Avec l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence, les consommateurs peuvent désormais mettre en concurrence plusieurs fournisseurs de gaz qu’ils soient historiques ou alternatifs.

Les fournisseurs historiques

Engie (ex-GDF Suez) était l’opérateur principal pour le gaz en France. Aujourd’hui, cet acteur majeur vend également de l’électricité.

Les Entreprises Locales de Distribution (ELD) sont des opérateurs historiques locaux qui n’ont pas été nationalisés en 1946, au moment de la création de GDF. Ainsi sur moins de 4 % du territoire, la distribution et la fourniture du gaz n’étaient pas assurées par l’opérateur historique GDF mais par des opérateurs locaux. Ainsi certaines ELD ont profité de l’ouverture du marché pour développer leur activité hors de leur territoire historique, par exemple Gaz de Bordeaux, GEG (Gaz et Électricité de Grenoble) ou Gaz de Strasbourg.

EDF est, quant à lui, l’opérateur historique de l’électricité en France et vend également du gaz.

Les fournisseurs alternatifs

Les fournisseurs alternatifs de gaz naturel se posent comme des concurrents des fournisseurs historiques. Ils ont fait leur entrée sur le marché du gaz naturel suite à l’ouverture à la concurrence. On distingue deux grands types de concurrents.

– Les filiales de grands énergéticiens européens

Ce type de concurrents regroupe les filiales françaises des opérateurs historiques d’autres pays d’Europe. On peut par exemple citer Eni (Italie), Vattenfall (Suède) ou Endesa (Espagne). Les opérateurs historiques français sont également présents à l’étranger.

– Les indépendants

Les fournisseurs indépendants sont ceux qui ne dépendent d’aucun grand groupe énergétique. On peut trouver parmi ces fournisseurs alternatifs des opérateurs comme Ekwateur et Ilek spécialisés dans le gaz vert. Certaines ELD se sont groupées pour créer un fournisseur indépendant comme Alterna, par exemple.

Pourquoi séparer les activités de la chaîne gazière ?

Cette séparation a eu lieu à l’occasion de la libéralisation du marché.

En France, GDF gérait l’ensemble de la chaîne du gaz depuis 1946 et appartenait à l’État. Les ELD mises à part (Entreprises Locales de Distribution), GDF agissait donc en monopole sur le territoire français. Dans les années 90, les institutions européennes décident de libéraliser les marchés de l’énergie, ce qui signifie ouvrir la fourniture de gaz à la concurrence. Seule la gestion des réseaux de transport et de distribution reste en monopole afin que chaque fournisseur ne déploie pas son propre réseau d’acheminement.

Par conséquent, GDF sépare ses activités avec d’un côté la gestion du réseau de distribution confiée à GRDF, la gestion du réseau de transport confiée à GRTgaz et TIGF et de l’autre la production et la fourniture. Une organisation similaire se retrouve en électricité avec Enedis et RTE (voir notre article sur l’organisation du marché de l’électricité). En 2008, GDF fusionne avec le groupe Suez et devient GDF Suez. En 2015, le groupe est renommé Engie.

L’objectif principal de cette ouverture à la concurrence est d’assurer l’approvisionnement des consommateurs à un prix abordable.

Marché du gaz naturel : comment les fournisseurs s’approvisionnent-ils ?

Le gaz naturel, comme le pétrole, se trouve dans des gisements souterrains. C’est un hydrocarbure, soit une énergie fossile : cependant, sa combustion émet moins de dioxyde de carbone (CO2) que le pétrole.

Il faut distinguer le gaz naturel (le méthane) d’autres gaz comme le butane ou le propane qui sont des gaz de pétrole liquéfiés (GPL) issus du raffinage du pétrole et du gaz naturel.

Contrairement à l’électricité, le gaz n’est pas produit mais exploité. Il est ensuite transporté du lieu d’extraction vers le lieu de consommation. Il existe deux façons de transporter le gaz :

  • Au travers de tuyaux qu’on appelle des pipelines, il y en a, par exemple, entre la Russie et l’Europe occidentale, entre l’Algérie et l’Espagne ou encore entre la Norvège et les Pays-Bas puis dans toute l’Europe continentale.
  • Par bateau, sous forme liquide à -160°C. On appelle ces bateaux des méthaniers. Ce mode de transport se développe de plus en plus. A l’arrivée, le gaz est ensuite regazéifié et injecté dans le réseau de transport.

Pour s’approvisionner, un fournisseur a plusieurs solutions :

  • S’il est aussi producteur alors il peut directement vendre à ses clients finaux tout ou partie de sa production ;
  • Il peut acheter du gaz directement à un producteur soit via un contrat d’approvisionnement long terme (accord entre les deux parties pour plusieurs années), soit via une transaction classique qui prévoit la livraison d’une certaine quantité de gaz à une date fixée et un prix fixé à l’avance ;
  • Il peut acheter du gaz sur le marché de gros, la bourse du gaz, c’est une plateforme d’échange organisée où les différents acteurs peuvent acheter et vendre du gaz pour différentes échéances.

L’ouverture progressive des marchés de l’énergie

Les offres de marché sont les offres proposées par les différents fournisseurs aux clients ayant quitté les tarifs réglementés. Les prix sont fixés librement par les fournisseurs alternatifs mais l’opérateur historique Engie peut également proposer des offres de marché de gaz.

La possibilité de passer en offre de marché et de changer de fournisseur de gaz s’est mise en place de manière progressive, en commençant par les grandes structures industrielles ayant une consommation supérieure à 237 GWh dès août 2000 puis à 83 GWh à partir d’août 2003. Depuis 2004, tous les professionnels et collectivités locales peuvent choisir une offre de marché et depuis 2007 pour les particuliers, celles-ci coexistent avec les tarifs réglementés.

Les tarifs réglementés sont des tarifs historiques dont le montant est fixé par les pouvoirs publics. Ils continuent à s’appliquer si le client ne passe pas en offre de marché et seul l’opérateur historique peut proposer des tarifs réglementés. Néanmoins ceux-ci ont disparu au 31 décembre 2015 pour tous les sites non résidentiels ayant une consommation supérieure à 30 MWh/an et les copropriétés ayant une consommation supérieure à 150 MWh/an.

Le 1er décembre 2020, une autre étape a été franchie. La fin des tarifs réglementés du gaz est intervenue pour tous les professionnels. Ils ont été supprimés en juillet 2023 pour les particuliers et les petites copropriétés.

Marché du gaz naturel : comment ont évolué les prix de gros en 10 ans ?

Le schéma ci-dessous représente l’évolution des prix de gros du gaz naturel, depuis le 1er janvier de l’année 2014.

Évolution du prix du gaz depuis 2014

Chaque point de la courbe représente la cotation, pour une date donnée, de la livraison d’une quantité constante de gaz naturel, pour l’année civile suivante, en France. Les prix affichés sont des cotations de marché de gros : elles ne correspondent donc pas au prix d’achat du gaz pour un consommateur final. En effet, il faudrait ajouter à ce prix de gros les coûts spécifiques d’approvisionnement de chaque site, ainsi que l’ensemble des autres composantes de la facture de gaz naturel : transport, stockage, distribution, taxes et contributions… Toutefois, l’évolution de ces prix de gros reste un paramètre essentiel, qui influe sensiblement sur le prix d’achat final du gaz.

Le marché du gaz vert : l’essor du biogaz

Le gaz « vert », ou biométhane, est issu de la méthanisation de déchets (municipaux, agricoles, domestiques…). Il s’agit donc d’un gaz renouvelable, dont la combustion n’émet pas plus de CO2 que la dégradation normale des déchets. Certains fournisseurs de gaz vert proposent des offres pour les entreprises et collectivités.

Ces offres se développent et tendent à être de plus en plus compétitives dans un contexte où le gaz naturel est très cher. Selon Laurence Poirier-Dietz , présidente de GRDF, les prix de vente du biogaz oscillent entre 90 et 100 euros le MWh soit « à peu près dans les mêmes prix ou un petit peu en dessous que les prix de marché » depuis le début du conflit russo-ukrainien.

L’impact des « CEE » sur le prix du gaz, un coût à ne pas négliger

Contrairement à ce que l’on pourrait penser les CEE ne font pas partie des paramètres d’une offre mais  sont un élément constitutif du prix du gaz. En effet, le mécanisme des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) est une réglementation qui s’applique aux fournisseurs d’énergie.

Son objectif est d’inciter les consommateurs à effectuer des actions d’économie d’énergie (isolation, appareils plus efficaces…). Le tout étant financé par les consommateurs d’énergie eux-mêmes, au travers de leur prix de fourniture. Attention : ce coût lié au mécanisme des CEE est la plupart du temps indexé sur l’évolution de la réglementation, même dans le cas d’un prix « fixe ».

Charlotte Martin
Responsable Communication

Sophie-Charlotte MARTIN, Conceptrice-Rédactrice spécialisée

Titulaire d'un master 2 en Lettres Classiques, complété d'un master 2 en Communication et d'un cycle web marketing à la CCI de Lyon, Sophie-Charlotte est intervenue sur des sujets aussi B2C que B2B, on et off line.

Régulièrement confrontée aux problématiques tertiaires et industrielles, elle s'est spécialisée en énergie. Aujourd'hui, elle garantit au quotidien la direction et la production éditoriale de l'entreprise. Sophie-Charlotte MARTIN est Responsable éditoriale d'Opéra Energie.